D'humeur morose.
Le monde du travail ne me rend pas optimiste, bien au contraire.
Ce matin, l'émission "Service public" sur France Inter, j'écoutais un facteur parler de son métier.
Sa charge de travail s'alourdit, les absents, malades ou en congés, ne sont pas remplacés.
Sa tournée est minutée, tant de kilomètres à l'heure selon qu'il est à pied, en vélo, en scooter ou en voiture.
Ses diverses "opérations": temps de préparation de la tournée, délivrance d'un recommandé, etc.. sont calculées en "temps standards".
Et dans ces temps standards, il y en a un prévu pour "le temps relationnel": 2m30 sur une tournée.
2m30 d'échanges avec les humains qu'il croise, à qui il tend du courrier, pour converser.
Veut-on changer les facteurs en robots?
Le facteur qui passait à la campagne, pendant mes vacances d'enfant, c'était quelqu'un, attendu, même si l'on n'attendait pas de courrier, c'était un moment d'ouverture sur la vallée.
Le facteur c'était souvent la seule personne que voyaient des gens isolés.
Tonton Albert, à Ayguatébia, attendait tous les matins la factrice, devant sa porte, pour avoir son journal quotidien, mais surtout pour échanger quelques mots.
Bien sur, le facteur peut toujours prendre un peu de temps pour discuter, mais si ses horaires de tournée débordent, c'est sur son temps de repos, il est payé pour 36h de travail par semaine, et pas une minute de plus.
Et le facteur est tenu de vendre: des carnets de timbres, des enveloppes pré-timbrées... Oui, il a des objectifs de vente!
Après m'être garée et avoir coupé la radio, je vais à l'Union Locale de mon organisation syndicale préférée.
Nous y recevons une jeune fille à qui j'avais fixé rendez-vous.
Elle est tremblante, pleine de peine et de colère.
Elle travaille depuis 2 ans dans un magasin de vêtements pour enfants.
Voyant l'état de la réserve (totalement insalubre), voyant son temps de travail augmenter sans être plus rémunérée, voyant ses responsabilités s’accroître ainsi que ses objectifs de vente, elle a adressé un mail à son hiérarchique pour signaler que ça n'allait plus, qu'il fallait rendre les locaux plus sains et reconnaître son travail et celui de ses collègues.
Depuis elle est l'objet d'un harcèlement assidu, insidieux, qui fait qu'aujourd'hui est en arrêt pour dépression.
Mardi nous sommes allés fêter la victoire d'ouvriers marocains qui, grâce à leur courage et avec l'aide du syndicat, ont enfin su qu'ils allaient être payés alors qu'ils ne l'étaient plus depuis 2 mois. Qu'ils allaient pouvoir rentrer dans leur pays, quitter les baraquements insalubres dans lesquels le promoteur les logeait. 2 baraquements pour 21 ouvriers, commodités comprises...
Et ils travaillaient pour construire une résidence de prestige!
Que d'exemples autour de moi de conditions de travail totalement dégradées.
Le règne du faire plus avec moins de moyens.
Même dans mon emploi d'employée de banque, emploi considéré comme privilégié par une bonne partie de la population, le nombre de salariés sous anxiolytiques augmente, ceux qui partent au travail avec "la boule au ventre" sont de plus en plus nombreux.
Les objectifs! Il faut atteindre les objectifs, et mieux, les dépasser!
La pression est constante.
Les compliments très rares, les paroles dégradantes beaucoup moins.
Quel candidat va pouvoir inverser cette tendance?
Va pouvoir nous redonner le goût d'aller au travail?
Va faire en sorte que tous les ouvriers, tous les salariés, soient traités avec le respect et la dignité qu'ils méritent?
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