15 déc. 2013

Ma Béa

En 1999, période de solitude, j'ai rencontré un homme charmant de sa personne, on disait autrefois "portant beau".
Ma vie sentimentale était bien vide, et ce vide me pesait.
Je n'avais pas encore pris le goût de vivre seule, dans une grande maison. Ce que j'ai su apprécier les années suivantes dans un appartement plus "cocon" pour Joan et moi.
Cet homme me ressemblait peu, ni dans les idées, ni dans la façon de vivre et d'envisager la vie.
Je savais que ce n'était pas le nouvel homme de ma vie, mais sa proposition d'habiter chez moi je l'ai acceptée, je crois même que je l'attendais.
S'il m'est arrivée dans ma vie d'être fort naïve, avec lui je ne l'étais pas et j'étais consciente que cela présentait des avantages pour lui, qui pouvait profiter de mon grand garage pour exercer son activité de graphiste.
Il aurait même souhaité me "mettre à la tête" de sa société, lui ayant déjà eu des déboires lors de ses précédentes expériences professionnelles.
Mais par des détails je savais qu'il était attaché à moi, sans doute plus que je n'étais attachée à lui.
Et puis il me faisait rire, se montrait fort agréable avec mes amis, ce qui pour moi est une condition sinéquanone. Et Joan l'acceptait sans problème.
Il avait une fille. Qu'il ne voyait plus depuis longtemps. 
Le contentieux entre la mère de la fillette et lui était énorme. 
Il me parlait de la mère comme d'un monstre.
Un jour de début décembre il est parti en train, connaissant ses intentions j'avais refusé qu'il prenne ma voiture, dans l'intention de récupérer sa fille, de gré ou de force.
Je lui ai simplement dit que s'il revenait à la maison avec sa fille je ne les hébergerais ni lui ni elle, que je ne serais pas complice d'un acte illégal et douloureux.
Il est parti le matin très tôt et moi je ne suis pas allée travailler ce jour là.
il fallait que je prévienne la mère, c'était pour moi comme une évidence.
Je ne connaissais quasiment rien d'elle, que le nom du village où elle habitait près de Troyes.
Je savais que l'enfant était sous un régime de protection sociale de l'enfance, et j'ai eu la chance de tomber sur une assistante sociale compréhensive qui m'a aidée.
Elle a prévenu la mère de quitter son domicile avec sa fille et son fils aîné.
J'ai su que la mère partait vers la Savoie se réfugier chez sa propre mère.
Il m'a appelé dans la journée, furax de trouver porte close, et a deviné qu'elle était partie chez sa mère, il a repris le train pour la Savoie.
Il fallait maintenant que je localise la grand mère.
Le service de protection de l'enfance croyait savoir qu'elle travaillait dans une mairie.
Je n'ai jamais passé autant de coups de téléphone de ma vie!
Mais j'ai fini par trouver la grand-mère. 
La grand-mère, la mère et les enfants se sont barricadés dans la maison, laissant croire à une absence.
Le lendemain il est revenu chez moi totalement furax, mais également totalement ignorant du rôle que j'avais joué dans l'échec de sa manœuvre.
Avant qu'il n'arrive j'avais eu au téléphone la maman, qui m'a remerciée chaleureusement. Et m'a un peu parlé de lui....
Entre elle et moi, malgré la distance, un courant intense est passé immédiatement.
Quelques jours après son retour je lui ai demandé froidement de quitter ma maison avant le 31 décembre.
Sur de son pouvoir de séduction il a cru à une blague, un moment de mauvaise humeur de ma part.
Puis il a compris ma détermination, et le 30 décembre, pendant que j'étais au travail, il mettait ses affaires dans un fourgon de location.
La maman s’appelait Béatrice, la fille Cyrielle et son grand frère Geoffrey.
Nous avons pris l'habitude de nous appeler souvent, d'échanger longuement par mail.
Et puis un jour où le travail m'emmenait vers Paris, j'ai pris le train pour Troyes à la gare de l'Est. Nous étions impatientes de nous connaitre!
Sur le quai de la gare une belle jeune femme brune, avec un garçon de 10 ans souriant, et une petite fille de 5 ans qui m'a prise dans ses bras et m'a serrée très fort.
Nous avons passé la soirée et une partie de la nuit à parler.
Un coup de foudre amical comme je n'en avais jamais connu.
Béatrice vivait de l'aide sociale dans cette région un peu sinistrée, mais jamais je ne l'ai entendue se plaindre.
Fin 2000, avec l'aide d'une copine, nous lui trouvons un CDD à Istres, où j'habitais alors.
Avec mon compagnon de l'époque, nous faisons le trajet Istres/Troyes aller-retour avec un fourgon de location, pour récupérer ses maigres affaires.
Elle nous suit dans sa voiture brinquebalante.
La petite famille s'installe chez moi, dans l'appartement que j'occupe depuis peu avec Joan, en attendant de trouver un logement.
Joan, qui aime sa tranquillité, passe le plus clair de son temps dans sa chambre...
Et moi, qui n'ai jamais connu l'ambiance "famille nombreuse", j'apprécie ces 3 mois de cohabitation faite de fous-rires, de complicité, de câlins avec les enfants, de confidences.
Bien sur il faut protéger Cyrielle, établir avec les copains un cordon de sécurité autour de l'école car nous savons qu'il essaie de s'en approcher.
Joan est fier de l'avoir fait fuir un jour, car l'homme n'est pas courageux, et mon fils très déterminé.
Il règne dans l'appartement une joyeuse pagaille, il y a de la vie, des crêpes au goûter, des copains qui passent volontiers car l'ambiance est chaleureuse.
Cyrielle m'embrasse, me couvre de compliments et de mots gentils.
Geoffrey, qui ressemble à ce que Joan était au même âge, vit dans ses livres.
Béatrice trouve un appartement, ils déménagent à Miramas.
Mais nous ne passons pas un jour sans nous appeler, voire plusieurs fois. Elle est "ma grenouille", je suis "sa grenouille", et l'affreux ne sera plus jamais appelé que "le crapaud".
Béatrice est belle et attire les regards masculins. Tiens tiens, mes copains l'apprécient beaucoup....
D'ailleurs l'un d'entre eux deviendra un moment son amoureux.
Entre nous c'est la complicité totale, j'ai ses clefs, elle a mes clefs.
J'ai quelquefois l'impression de sentir un peu de jalousie ou d'aigreur chez mes amies que je ne délaisse pas pour autant.
Elle fait partie intégrante de ma vie, elle est ma soeur de coeur, elle sait quand ça ne va pas.
Je dors chez elle quand elle doit s'absenter, pour être avec ses enfants qui sont un peu comme les miens.
Quand j'ai envie de crêpes je l'appelle et le soir on se fait une soirée crêpes "en famille".
Elle est totalement intégrée à mon groupe d'amis.
Son CDD se termine et elle est sans emploi, à nouveau l'aide sociale, mais Béatrice ne se plaint jamais et elle refuse mon aide matérielle, à part les cadeaux aux enfants.
Et puis un homme tombe sous son charme, un de plus, mais celui là va compter plus que les autres.
Leur relation est tumultueuse.
Entre lui et moi le courant ne passe pas.
Il a une position sociale élevée, un grand appartement dans les quartiers chics de Marseille, un bateau, une voiture de sport.
Il cristallise un peu tout ce que je n'aime pas.
Et puis j'ai l'impression que Béatrice est la "jolie plante" qui le met en valeur en société.
Pour elle, un peu d'aisance c'est un peu de soulagement dans une vie pas facile.
Elle va le voir à Marseille car lui ne veut pas trop laisser sa belle voiture dans les quartiers populaires de Miramas...
Un jour je lui parle très durement de lui, le ton monte, je suis cassante, blessante.
Quelques jours plus tard je pars un mois à Montréal, comme je l'avais prévu depuis longtemps, seule, en vacances, dans cette ville que j'aime.
A Montréal je reçois des mails insultants de cet homme que je n'aime pas.
A mon retour de Montréal je ne la verrai plus.
Et je ne l'ai jamais revue.
Je l'ai appelée une fois au téléphone, longtemps après, elle a eu immédiatement des sanglots dans la voix mais m'a dit qu'elle ne voulait pas me parler.
J'ai rêvé d'elle et de ses loupiots presque toutes les nuits.
Cela m'arrive encore quelquefois.
je lui ai écrit, sans réponse.
Une partie de moi me manque et me manquera jusqu'à ce que je la retrouve.
Aujourd'hui Geoffrey a 23 ans, Cyrielle a eu 18 ans cette année.
Sur internet j'ai pu la voir en photo car elle pratique l'escrime à un haut niveau: elle est très belle, magnifique.
Ma Béa, j'espère qu'un jour nous retrouverons ces moments si proches.
Tu seras toujours dans ma vie.




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