26 févr. 2017

L'amitié, encore et toujours

Christine, mon amie depuis l’âge de 14 ans, m’a dit : « tu es trop entière ».
Elle a raison, je suis entière, je ne peux pas, je ne sais pas, jouer les hypocrites.
Même dans le travail je n’ai jamais fait de sourires à mes supérieurs si je ne les estimais pas.
Simplement, avec eux, je ne pouvais pas dire : « on arrête là la relation ».
Alors quand j’ai envie de le dire et que je peux le dire, je le fais.
C’est vrai qu’en un an, j’ai choisi délibérément (ce qui ne veut pas dire de gaîté de cœur) de mettre fin à deux relations amicales.
Pourquoi ? Parce que nous avions évolué différemment, parce que nous n’avions plus grand-chose à partager, parce que nous voir ne m’apportait plus rien, et parce que la vie est trop courte pour se forcer quand on n’y est pas obligé.
Dom, cela fait plusieurs mois que nous ne nous voyons plus, et avec le recul je n’ai aucun regret. Nous en avons passé des moments ensemble, des vacances ensemble !
Une complicité nous unissait, nous nous comprenions par un texto, un mail. Nous piquions des fous-rires ensemble. Nous étions seules dans nos vies, relativement insouciantes, si tant est que l’on peut être insouciante quand on est mère de famille et que la vie matérielle repose sur notre seul salaire.
Et puis j’ai rencontré le 2ème homme de ma vie, deux ans plus tard tu te mariais aussi.
Je dis avec tristesse que je n’ai jamais eu la certitude que tu te mariais par amour et que j’ai pu penser que tu te mariais par raison, pour t’assurer une sécurité matérielle.
Moi je me suis mariée par amour. Mais qu’importe si nos raisons étaient différentes.
Bien sûr, nous ne partions plus en vacances toutes les deux. Bien sûr je ne venais plus passer des soirées chez toi, à nous raconter nos fortunes et nos infortunes amoureuses ou autres.
Nous nous voyions à 4, ou plus. Nos amis respectifs ne nous plaisaient pas forcément respectivement.
Et critiquer mon grand frère de cœur Daniel, pour moi ça ne pardonne pas.
Tu t’es installée dans une vie matériellement confortable grâce à ton union. Tu as eu des jugements de plus en plus durs.
Après une Nième rencontre qui ne m’avais rien apporté, que de l’amertume, j’ai pris la décision de te dire que je ne retrouvais pas la Dom que j’avais connue, et que nos rencontres devenaient superficielles. Tu n’as pas vraiment apprécié. Tu m’as fait des reproches de ton côté, et j’en méritais certainement, moi qui suis toujours restée un peu baba cool et accrochée à mes idéaux.
J’avais évolué aussi, pas comme toi. Nous avons « divorcé » amicalement.
Nous nous sommes revues lors d’un concert de Renaud, puisque j’avais pris les places pour nous tous depuis longtemps. Tu étais à ma droite, Danièle à ma gauche. Et là je me suis rendu compte du fossé qui séparait mon ancienne amie de celle avec qui je partage maintenant tellement de choses, de peines, d’indignations et de joies. Celle qui ne juge pas mais conseille, celle avec qui je partage des idéaux.
Quelques mois plus tard, après un événement déclenchant et sans doute une lassitude accumulée, j’ai éprouvé le besoin de dire à G. que notre amitié, pourtant si longue, ne reposait plus sur grand-chose à part la durée.
Elle, elle n’a pas changé, sa vie est toujours la même avec le même homme, ses occupations de femme d’intérieur sont toujours les mêmes. Elle a vécu il y a 11 ans un drame dans sa chair que je ne souhaite pas à mon pire ennemi. J’ai été aussi présente que j’ai pu à ce moment-là, même si le hasard a fait que c’était au moment où je commençais une nouvelle vie avec le 2eme homme de ma vie.
Nous nous voyions très régulièrement. J’avais l’impression que nos amoureux s’entendaient mieux que nous, se comprenaient mieux que nous. J’avais l’impression que nous deux nous n’avions pas grand-chose à partager. Je suis très « idéalisée », « politisée », militante. Je savais que cette partie-là de moi, partie de plus en plus essentielle, ne t’intéressait pas du tout. Et de ne pas pouvoir en parler avec toi était une frustration lors de nos rencontres.
Nos rencontres seulement à deux, pour un déjeuner ou un moment shopping, ce sont arrêtées de mon fait, car c’était toujours moi qui faisait le déplacement et je repartais en général un peu « sur ma faim ».
Nous avons passé des vacances ensemble, à 4. Pour nous elles ont été pénibles car, G., tu as toujours du mal à te décider, pour un resto, pour le choix d’un plat, nous avions l’impression, avec mon amoureux, qu’il y avait toujours quelque chose qui ne t’allait pas.
La chambre un peu trop fraîche lors d’un réveillon dans les Alpes… Bref, toujours un bémol de ta part.
Tu as souvent émis l’idée que l’on reparte ensemble. Quand nous vous proposions de bénéficier de notre appart en Savoie, nous comprenions que vous y retourneriez que si nous venions avec vous. Or, nous, nous nous étions dit que nous ne partagerions plus ensemble que des moments de courte durée car nous n’étions pas sur le même rythme, sur les mêmes envies.
Et puis l’horreur des séances photos : « fais voir, non refais là, j’avais mes lunettes », « non je ne me plais pas sur celle-là ». Et régulièrement : « tu nous prends en photo là ? ». Et la photo ne convenait jamais. C’était devenu pour moi quelque chose qui me hérissait le poil. Et je l’ai dit, mais rien ne changeait, au point que cela arrivait quelque fois à m’énerver pour quelques heures. C’est vrai que je n’aime pas être prise en photo. Que quand le paysage est beau je n’éprouve pas le besoin d’être prise devant, style « j’y étais ». Je fais des photos, souvent, discrètement. Et les souvenirs des bons moments, ils sont dans ma tête et pas sur du papier glacé ou un ordinateur.  
Mais je pensais que cette mise au point que j’ai éprouvé le besoin de faire pouvait nous permettre de repartir sur d’autres bases, de nous remettre en cause un peu toutes les deux, voire tous les 4. L’ancienneté de notre amitié était quand même importante pour moi.
Mais cette « remise en cause » a été mal vécue. Des reproches me sont tombés dessus en cascade : nous voyageons trop, nous en parlons trop, nous avons « des moyens » (ah bon, ça m’arrangerait mais ce n’est pas le cas). Je n’étais pas là au moment du drame (ah bon, pourtant la route je l’ai faite quelquefois, mais j’avais aussi un travail…). Je me suis rendu compte que mes dires, mes écrits, avaient été collationnés, et qu’on me les ressortait. Que depuis longtemps j’avais ma « colonne des plus » et ma « colonne des moins » qui était prête. De mon côté, aussi longtemps que possible j’essayais de ne voir que les plus et de passer sur les moins. Quand l’amitié devient de la comptabilité, ce n’est plus de l’amitié.
J’ai espéré un moment que ton mari, proche du mien et connaissant les problèmes qu’il traverse actuellement, et que tu ne comprends pas parce que tu n’as jamais connu le monde du travail que par personne interposée, décrocherait son téléphone ou prendrait son clavier. Et puis je me suis dit qu’il devait considérer ça comme « une affaire entre femmes trop compliquées ». Dommage, là c’est lui qui m’a déçue. Car toi, ce n’est pas de la déception, c’est un « constat de différence(s) ».
Seule tes réponses m’ont déçues.
Alors voilà, en moins d’un an, deux amitiés perdues.
Et des amitiés gagnées. Et peut-être sont-elles la cause de ces pertes. Quand je partage des moments avec Manue et G-L, avec Danièle et F., avec Agnès et T., avec Christine et David, avec Fabrice, avec Magali, nous partageons vraiment. Nous partageons des idéaux, nous partageons des discussions, j’ai l’impression de m’enrichir, de faire travailler ma conscience.
Et d’avoir retrouvée Christine, connue il y a si longtemps, de partager avec elle sans tabou, c’est une chaleur tellement agréable.
Et puis il y a les deux piliers de l’amitié, mais là c’est de fraternité qu’il s’agit : Daniel et Filou, sans vous ma vie ne serait pas ce qu’elle est.  


    

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire