Christine, mon amie depuis l’âge de 14 ans, m’a dit : « tu
es trop entière ».
Elle a raison, je suis entière, je ne peux pas, je ne sais
pas, jouer les hypocrites.
Même dans le travail je n’ai jamais fait de sourires à mes
supérieurs si je ne les estimais pas.
Simplement, avec eux, je ne pouvais pas dire : « on
arrête là la relation ».
Alors quand j’ai envie de le dire et que je peux le dire, je
le fais.
C’est vrai qu’en un an, j’ai choisi délibérément (ce qui ne
veut pas dire de gaîté de cœur) de mettre fin à deux relations amicales.
Pourquoi ? Parce que nous avions évolué différemment,
parce que nous n’avions plus grand-chose à partager, parce que nous voir ne m’apportait
plus rien, et parce que la vie est trop courte pour se forcer quand on n’y est
pas obligé.
Dom, cela fait plusieurs mois que nous ne nous voyons plus,
et avec le recul je n’ai aucun regret. Nous en avons passé des moments
ensemble, des vacances ensemble !
Une complicité nous unissait, nous nous comprenions par un
texto, un mail. Nous piquions des fous-rires ensemble. Nous étions seules dans
nos vies, relativement insouciantes, si tant est que l’on peut être insouciante
quand on est mère de famille et que la vie matérielle repose sur notre seul
salaire.
Et puis j’ai rencontré le 2ème homme de ma vie,
deux ans plus tard tu te mariais aussi.
Je dis avec tristesse que je n’ai jamais eu la certitude que
tu te mariais par amour et que j’ai pu penser que tu te mariais par raison,
pour t’assurer une sécurité matérielle.
Moi je me suis mariée par amour. Mais qu’importe si nos
raisons étaient différentes.
Bien sûr, nous ne partions plus en vacances toutes les deux.
Bien sûr je ne venais plus passer des soirées chez toi, à nous raconter nos
fortunes et nos infortunes amoureuses ou autres.
Nous nous voyions à 4, ou plus. Nos amis respectifs ne nous
plaisaient pas forcément respectivement.
Et critiquer mon grand frère de cœur Daniel, pour moi ça ne
pardonne pas.
Tu t’es installée dans une vie matériellement confortable grâce
à ton union. Tu as eu des jugements de plus en plus durs.
Après une Nième rencontre qui ne m’avais rien apporté, que
de l’amertume, j’ai pris la décision de te dire que je ne retrouvais pas la Dom
que j’avais connue, et que nos rencontres devenaient superficielles. Tu n’as
pas vraiment apprécié. Tu m’as fait des reproches de ton côté, et j’en méritais
certainement, moi qui suis toujours restée un peu baba cool et accrochée à mes
idéaux.
J’avais évolué aussi, pas comme toi. Nous avons « divorcé »
amicalement.
Nous nous sommes revues lors d’un concert de Renaud, puisque
j’avais pris les places pour nous tous depuis longtemps. Tu étais à ma droite,
Danièle à ma gauche. Et là je me suis rendu compte du fossé qui séparait mon
ancienne amie de celle avec qui je partage maintenant tellement de choses, de
peines, d’indignations et de joies. Celle qui ne juge pas mais conseille, celle
avec qui je partage des idéaux.
Quelques mois plus tard, après un événement déclenchant et
sans doute une lassitude accumulée, j’ai éprouvé le besoin de dire à G. que
notre amitié, pourtant si longue, ne reposait plus sur grand-chose à part la
durée.
Elle, elle n’a pas changé, sa vie est toujours la même avec
le même homme, ses occupations de femme d’intérieur sont toujours les mêmes.
Elle a vécu il y a 11 ans un drame dans sa chair que je ne souhaite pas à mon
pire ennemi. J’ai été aussi présente que j’ai pu à ce moment-là, même si le
hasard a fait que c’était au moment où je commençais une nouvelle vie avec le 2eme
homme de ma vie.
Nous nous voyions très régulièrement. J’avais l’impression
que nos amoureux s’entendaient mieux que nous, se comprenaient mieux que nous.
J’avais l’impression que nous deux nous n’avions pas grand-chose à partager. Je
suis très « idéalisée », « politisée », militante. Je
savais que cette partie-là de moi, partie de plus en plus essentielle, ne t’intéressait
pas du tout. Et de ne pas pouvoir en parler avec toi était une frustration lors
de nos rencontres.
Nos rencontres seulement à deux, pour un déjeuner ou un
moment shopping, ce sont arrêtées de mon fait, car c’était toujours moi qui
faisait le déplacement et je repartais en général un peu « sur ma faim ».
Nous avons passé des vacances ensemble, à 4. Pour nous elles
ont été pénibles car, G., tu as toujours du mal à te décider, pour un resto,
pour le choix d’un plat, nous avions l’impression, avec mon amoureux, qu’il y
avait toujours quelque chose qui ne t’allait pas.
La chambre un peu trop fraîche lors d’un réveillon dans les
Alpes… Bref, toujours un bémol de ta part.
Tu as souvent émis l’idée que l’on reparte ensemble. Quand
nous vous proposions de bénéficier de notre appart en Savoie, nous comprenions
que vous y retourneriez que si nous venions avec vous. Or, nous, nous nous
étions dit que nous ne partagerions plus ensemble que des moments de courte
durée car nous n’étions pas sur le même rythme, sur les mêmes envies.
Et puis l’horreur des séances photos : « fais
voir, non refais là, j’avais mes lunettes », « non je ne me plais pas
sur celle-là ». Et régulièrement : « tu nous prends en photo là ? ».
Et la photo ne convenait jamais. C’était devenu pour moi quelque chose qui me
hérissait le poil. Et je l’ai dit, mais rien ne changeait, au point que cela
arrivait quelque fois à m’énerver pour quelques heures. C’est vrai que je n’aime
pas être prise en photo. Que quand le paysage est beau je n’éprouve pas le
besoin d’être prise devant, style « j’y étais ». Je fais des photos,
souvent, discrètement. Et les souvenirs des bons moments, ils sont dans ma tête
et pas sur du papier glacé ou un ordinateur.
Mais je pensais que cette mise au point que j’ai éprouvé le
besoin de faire pouvait nous permettre de repartir sur d’autres bases, de nous
remettre en cause un peu toutes les deux, voire tous les 4. L’ancienneté de
notre amitié était quand même importante pour moi.
Mais cette « remise en cause » a été mal vécue.
Des reproches me sont tombés dessus en cascade : nous voyageons trop, nous
en parlons trop, nous avons « des moyens » (ah bon, ça m’arrangerait
mais ce n’est pas le cas). Je n’étais pas là au moment du drame (ah bon,
pourtant la route je l’ai faite quelquefois, mais j’avais aussi un travail…).
Je me suis rendu compte que mes dires, mes écrits, avaient été collationnés, et
qu’on me les ressortait. Que depuis longtemps j’avais ma « colonne des
plus » et ma « colonne des moins » qui était prête. De mon côté,
aussi longtemps que possible j’essayais de ne voir que les plus et de passer
sur les moins. Quand l’amitié devient de la comptabilité, ce n’est plus de l’amitié.
J’ai espéré un moment que ton mari, proche du mien et
connaissant les problèmes qu’il traverse actuellement, et que tu ne comprends
pas parce que tu n’as jamais connu le monde du travail que par personne
interposée, décrocherait son téléphone ou prendrait son clavier. Et puis je me
suis dit qu’il devait considérer ça comme « une affaire entre femmes trop
compliquées ». Dommage, là c’est lui qui m’a déçue. Car toi, ce n’est pas
de la déception, c’est un « constat de différence(s) ».
Seule tes réponses m’ont déçues.
Alors voilà, en moins d’un an, deux amitiés perdues.
Et des amitiés gagnées. Et peut-être sont-elles la cause de
ces pertes. Quand je partage des moments avec Manue et G-L, avec Danièle et F.,
avec Agnès et T., avec Christine et David, avec Fabrice, avec Magali, nous
partageons vraiment. Nous partageons des idéaux, nous partageons des
discussions, j’ai l’impression de m’enrichir, de faire travailler ma
conscience.
Et d’avoir retrouvée Christine, connue il y a si longtemps,
de partager avec elle sans tabou, c’est une chaleur tellement agréable.
Et puis il y a les deux piliers de l’amitié, mais là c’est
de fraternité qu’il s’agit : Daniel et Filou, sans vous ma vie ne serait
pas ce qu’elle est.
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