19 mars 2017

Du bleu à l'âme

Nous rentrons de chez maman.
Habituellement nous ne nous voyons qu’une fois tous les quinze jours environ.
Mais là, samedi dernier, maman m’a inquiétée, alors j’ai souhaité la revoir rapidement.
Je l’appelle tous les jours depuis que papa n’est plus là, depuis 7 ans. Pour me rassurer, et pour que les jours où elle ne voit personne elle ait au moins un contact dans la journée.
Depuis dimanche dernier, son « allo » est fatigué, elle qui décrochait toujours avec une voix vive, et souvent en riant.
Et nos discussions ne sont plus les mêmes. Maman égrène chaque fois les mêmes questions : « tu es au travail ? », « Et Philippe, comment il va ? », « Tu as des nouvelles de Joan ? ». Et ces questions peuvent être répétées. Et quand je voudrais raccrocher parce que je suis au boulot, parce que quelqu’un m’attend, elle reste au téléphone, et je ne sais comment mettre fin à la conversation qui n’en est plus vraiment une.
Nous vendons, avec son accord, et même sous son impulsion, une partie de la maison où elle est née.
Nous la vendons à des copains qui sont heureux comme des enfants d’avoir trouvé cette maison dans ce coin perdu qu’ils aiment, qui parlent de cette maison comme de leur futur « nid d’amour ».
Bref, des gens qui vont la faire vivre, l’embellir, alors que nous n’y allions que peu, et qu’elle est beaucoup trop isolée pour que maman y reste seule.
Cette vente est pour maman une page qui se tourne. Elle culpabilise de vendre la maison où ses parents ont passé leur vie.
Je mettais donc ce changement de forme sur une baisse de moral due à cet évènement.
Mais aujourd’hui, la maman que j’ai trouvée n’est pas celle que je connais depuis 60 ans, toujours vive, toujours prête à passer à une autre activité alors qu’elle finit à peine celle qui l’occupait.
Non, son regard n’est plus le même, il est plus flou, elle ferme souvent les yeux en parlant.
Elle se déplace plus lentement, elle, la marcheuse invétérée que j’avais souvent du mal à suivre.
Maman est au ralenti.
Maman repose des questions qu’elle a posées peu de temps avant.
Maman va avoir 86 ans. Pendant 85 ans elle a été une femme active et dynamique.
Il faut que je me fasse à l’idée que la pente descendante est là.
Il ne faut pas que je gamberge sur la vitesse à laquelle cette pente sera descendue, on n’y peut rien faire.
Mon amoureux sait que je vais avoir du mal moralement et je sais qu’il me soutiendra toujours.
Il n’a plus ses parents depuis longtemps, et maman l’aime comme un fils.
Et puis mon fils est un petit-fils formidable. Il l’avait déjà montré avec sa grand-mère paternelle disparue il y a 12 ans.
Il passera le week-end prochain avec elle, pas pour me soulager, même si c’est le cas, mais parce qu’il veut profiter au maximum de sa dernière aïeule.
Notre famille est toute petite. Je suis fille unique, il est fils unique. Sa famille paternelle s’est comportée de façon ignoble avec lui depuis que son père n’est plus de ce monde.
Je sais que nous allons vivre des moments pénibles, mais notre tout petit noyau sera soudé.
Et moi je dois me faire à l’idée que maman est âgée, qu’un jour elle ne sera plus là, et que les jours, semaines, mois à venir seront moins légers que le temps d’avant.
C’est la vie, c'est une maladie mortelle la vie, mais une belle maladie.  


1 commentaire:

  1. Quoi dire de plus, tu as résumé avec style, comme à ton habitude, une situation qui nous touche de près. Fait le plein d'amour, de tendresse...de souvenirs, photos et d'histoire que tu raconteras sur ton blogue.
    Courage mon amie. N'oublie pas, tu n'es pas seule après ton entourage tes amis sont là aussi. Bises

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