Nous rentrons de chez maman.
Habituellement nous ne nous voyons qu’une fois tous les
quinze jours environ.
Mais là, samedi dernier, maman m’a inquiétée, alors j’ai
souhaité la revoir rapidement.
Je l’appelle tous les jours depuis que papa n’est plus là, depuis
7 ans. Pour me rassurer, et pour que les jours où elle ne voit personne elle
ait au moins un contact dans la journée.
Depuis dimanche dernier, son « allo » est fatigué,
elle qui décrochait toujours avec une voix vive, et souvent en riant.
Et nos discussions ne sont plus les mêmes. Maman égrène
chaque fois les mêmes questions : « tu es au travail ? », « Et
Philippe, comment il va ? », « Tu as des nouvelles de Joan ? ».
Et ces questions peuvent être répétées. Et quand je voudrais raccrocher parce
que je suis au boulot, parce que quelqu’un m’attend, elle reste au téléphone,
et je ne sais comment mettre fin à la conversation qui n’en est plus vraiment
une.
Nous vendons, avec son accord, et même sous son impulsion,
une partie de la maison où elle est née.
Nous la vendons à des copains qui sont heureux comme des
enfants d’avoir trouvé cette maison dans ce coin perdu qu’ils aiment, qui
parlent de cette maison comme de leur futur « nid d’amour ».
Bref, des gens qui vont la faire vivre, l’embellir, alors
que nous n’y allions que peu, et qu’elle est beaucoup trop isolée pour que
maman y reste seule.
Cette vente est pour maman une page qui se tourne. Elle culpabilise
de vendre la maison où ses parents ont passé leur vie.
Je mettais donc ce changement de forme sur une baisse de
moral due à cet évènement.
Mais aujourd’hui, la maman que j’ai trouvée n’est pas celle
que je connais depuis 60 ans, toujours vive, toujours prête à passer à une
autre activité alors qu’elle finit à peine celle qui l’occupait.
Non, son regard n’est plus le même, il est plus flou, elle
ferme souvent les yeux en parlant.
Elle se déplace plus lentement, elle, la marcheuse invétérée
que j’avais souvent du mal à suivre.
Maman est au ralenti.
Maman repose des questions qu’elle a posées peu de temps
avant.
Maman va avoir 86 ans. Pendant 85 ans elle a été une femme
active et dynamique.
Il faut que je me fasse à l’idée que la pente descendante
est là.
Il ne faut pas que je gamberge sur la vitesse à laquelle
cette pente sera descendue, on n’y peut rien faire.
Mon amoureux sait que je vais avoir du mal moralement et je
sais qu’il me soutiendra toujours.
Il n’a plus ses parents depuis longtemps, et maman l’aime
comme un fils.
Et puis mon fils est un petit-fils formidable. Il l’avait
déjà montré avec sa grand-mère paternelle disparue il y a 12 ans.
Il passera le week-end prochain avec elle, pas pour me
soulager, même si c’est le cas, mais parce qu’il veut profiter au maximum de sa
dernière aïeule.
Notre famille est toute petite. Je suis fille unique, il est
fils unique. Sa famille paternelle s’est comportée de façon ignoble avec lui
depuis que son père n’est plus de ce monde.
Je sais que nous allons vivre des moments pénibles, mais
notre tout petit noyau sera soudé.
Et moi je dois me faire à l’idée que maman est âgée, qu’un
jour elle ne sera plus là, et que les jours, semaines, mois à venir seront
moins légers que le temps d’avant.
C’est la vie, c'est une maladie mortelle la vie, mais une belle
maladie.
Quoi dire de plus, tu as résumé avec style, comme à ton habitude, une situation qui nous touche de près. Fait le plein d'amour, de tendresse...de souvenirs, photos et d'histoire que tu raconteras sur ton blogue.
RépondreSupprimerCourage mon amie. N'oublie pas, tu n'es pas seule après ton entourage tes amis sont là aussi. Bises