27 mai 2018

Cinq semaines à Montréal

Septembre 2004. 
Personne dans mon coeur hormis mes amis et ma famille.
Voilà quelques mois que j'avais pris cette décision: passer un gros mois dans cette ville que j'aime mais que je n'ai jamais eu le temps de connaître en profondeur: Montréal.
La décision était prise, les congés posés, mais au fond de moi des interrogations: vais-je tenir tout ce temps seule? Mon moral sera-t'il au rendez-vous?
L'auberge de jeunesse était réservée. J'avais 48 ans, je n'avais jamais dormi dans une auberge de jeunesse.
Et dans auberge de jeunesse il y a jeunesse.
Mais, financièrement, je ne pouvais pas me permettre l'hôtel ni le gîte du passant, donc je fonce.
Et je découvrirai que je ne suis pas la plus âgée.
Mes parents m'ont accompagnée à l'aéroport.
Ils sont restés avec moi jusqu'à ce que je me dirige vers les contrôles et la salle d'embarquement.
Maman cachait son inquiétude, papa lui disait: "elle est débrouillarde".
Assise dans l'avion, je me demandais encore si j'étais sûre de moi.
Puis des accents québécois par ci par là. Et le commandant de bord qui nous souhaite la bienvenue avec cet accent. J'étais partie!
Arrivée à Montréal en début d'après-midi (même si pour mon horloge interne il était 8h du soir).
J'arrive devant l'auberge. Elle est très bien placée, tout près de Ste Catherine, il n'y a que René Lévesque qui les sépare. (Oui, à Montréal on ne précise pas rue, avenue, on dit simplement le nom).
Je suis accueillie chaleureusement et l'on m'indique ma chambre.
Une chambre pour 4 filles.
Personne n'y est installé. J'en profite pour choisir un lit en bas, je ne suis pas fan des échelles si je dois me lever la nuit, et côté fenêtre.
Une belle salle de bain à se partager.
Je sors quelques affaires que je mets dans ma commode/table de nuit et je glisse ma valise sous le lit.
Je suis impatiente, je pars à la découverte de Montréal.
Je prends ma 1ère carte de transports hebdomadaire. A la fin du séjour le métro de Montréal n'a plus de secret pour moi!
Direction Ste Catherine, jusqu'à la Place des Arts, toujours animée.
Une terrasse. Et déjà mon accent français attire les questions.
De quelle région de France je suis? Pour combien de temps à Montréal? Est-ce que je connais déjà?
Mes inquiétudes sont dissipées en un rien de temps.
A Montréal on n'est seul que si on le veut vraiment. Sinon il y a toujours quelqu'un qui vous parle ou vous pouvez toujours parler à quelqu'un.
A la terrasse d'un café, si il n'y a pas de table libre, vous pouvez aviser une table avec seulement une ou deux personnes et demander si vous pouvez partager la table.
Je le ferai, et il m'arrivera aussi souvent que l'on me demande de partager ma table.
Et, à coup sûr, c'est une conversation qui s'engage.
Les "bons plans" de Montréal je les ai eus plus souvent comme ça que par toutes les brochures (appelées "pamphlets") récoltées à l'Office du Tourisme.
Le premier dimanche, je participe à une sortie avec l'auberge de jeunesse.
Des sorties il y en a plusieurs fois par semaine, mais souvent des "soirées bars", et là je me doute que c'est jeune et alcoolisé, je n'ai pas essayé.
Là c'était "les tambours du Mont Royal".
Tous les dimanches il se passe quelque chose dans le parc du Mont Royal.
Ma collègue provisoire de chambre est française. Nous traversons ensemble Montréal, avec les autres résidents dont peu parlent français.
Et nous voilà tous assis dans l'herbe à écouter les tambours et à essayer d'échanger dans la mesure de nos capacités linguistiques.
Au retour je quitte le groupe et arpente Sherbrooke où je trouve ma 1ère librairie Archambault.
Les librairies Archambault deviendront mes points de repère, entre autres.
Je fais le plein de bouquins québécois que l'on ne trouve pas en France. 
Je me les envoie par la poste, par bateau, pour ne pas trop alourdir ma valise.
Et quelques semaines après mon retour je les reçois. Un prolongement de mon voyage.
Un festival de cinéma Place des Arts.
Je revois "Bienvenue à Ste Marie La Mauderne".
Je vois le film sur le Che à moto, en espagnol sous-titré en anglais.
Je le reverrai quelques temps plus tard en France, en français, et avec nostalgie.
Et autour de ce festival une belle ambiance. Tout le monde se parle, échange sur les films vus ou à voir.
Et puis le cinéma près de Berry UQAM deviendra aussi mon repère, je surveille la programmation et vois beaucoup de films québécois jamais diffusés en France.
A la cinémathèque aussi, je découvre des pépites que j'avais ratées. 
Dont un film qui fait qu'en 2005 j'irai à Lisbonne.
J'ai mis du temps à trouver le café qui me convenait. Je suis difficile en café, et le café américain ne me satisfait pas.
Un québécois qui a vécu en France me dit que pour retrouver l'équivalent d'un café français je dois commander "un double expresso 3/4". Et à partir de là j'ai bu tous les jours du bon café.
Il suffisait de le savoir.
La cohabitation se passe bien en chambre, où je ne suis que le soir.
Peu de francophones, avec qui je peux vraiment échanger.
Pas mal d'anglophones avec qui on essaie de se comprendre.
Beaucoup d'asiatiques, discrètes et peu causantes, et qui ont pour particularité d'occuper longtemps la salle de bain...
Le petit déjeuner (là bas c'est le déjeuner, puis suivent le dîner et le souper), au début je m'applique à le prendre à l'auberge, ou j'ai un placard à provision correspondant à ma chambre dans la grande cuisine commune.
Puis rapidement je trouve plus sympathique d'aller dans un Starbuck ou équivalent.
Je passe des heures à lire, au Parc Lafontaine ou au Carré St Louis.
Il y a toujours quelqu'un de passage avec qui je peux discuter, et puis les écureuils ont bien remarqué que j'avais des biscuits...
Le soir je m'arrête à l'étage de la librairie Archambault la plus proche de l'auberge, où il y a un cyber-café.
Le wifi n'existait pas encore et je n'avais pas de portable.
Je regarde mes mails, j'envoie des nouvelles détaillées, j'explore des sites locaux.
Et je discute avec mes voisins d'ordinateur.
A Montréal on se parle, on fait des rencontres.
Des hommes s'intéressent à moi. Certains pour un plan d'un soir, les québécois sont très libres, d'autres par pure sympathie.
Et ainsi j'ai partagé des repas dans des restaurants typiques que je n'aurais pas trouvés seule.
Ils peuvent être insistants après, mais je suis grande et je sais dire non.
Un me propose de m'installer chez lui pour le restant du séjour, en banlieue de Montréal.
Hors de question, je veux être libre et au coeur de Montréal. N'être redevable à personne.
J'ai visité les musées que je n'avais jamais pris le temps de voir avant.
J'ai hanté les lieux que j'aime tant, la place Jacques Quartier et le Vieux Port, la rue St Denis et son fameux café "La Brûlerie", hélas disparu depuis, où l'on pouvait choisir entre une dizaine de variétés de café ou des chocolats à l'onctuosité indécente.
J'ai pris mes habitudes, mes marques.
J'ai beaucoup utilisé mon premier appareil photo numérique acheté pour l'occasion.
Quand le jour du départ s'est approché, j'aurais donné cher pour prolonger encore d'une semaine, ou deux.
Ce mois restera à jamais gravé dans ma mémoire comme un des plus beaux de ma vie. 

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