10 févr. 2019

Amnesty


En 1979 nous avons emménagé à Istres, nous y travaillions tous les deux mais nous n'y connaissions personne.
Nos amis étaient à Salon où nous avions passé nos années lycées, et où Jean-Jacques avait toujours vécu, du coup nous passions peu de temps à Istres le week-end.
Fin 1982 notre Joan est né, je me suis arrêtée un an pour m'occuper de lui.
Et là je me suis sentie seule dans une ville où je ne connaissais que mes collègues de travail.
Quand j'ai repris le travail, fin 1983, mon "inutilité" dans la vie sociale m'a sauté à la figure en même temps que ce que les médecins ont appelé "spasmophilie".
D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été sensibilisée aux causes humanitaires, j'ai toujours eu du mal à supporter l'injustice, l'indécence des écarts entre les plus pauvres et les plus riches de ce monde.
Amnesty s'est imposée à moi comme l'association qui correspondait le plus à ce que j'avais envie de défendre: la liberté d'expression, l'abolition de la peine de mort et de la torture partout dans le monde.
Amnesty n'avait pas de groupe sur Istres, et, plutôt que d'aller rejoindre le groupe de Salon, ou celui de Martigues, j'ai passé une annonce dans le petit hebdo local en demandant qui était intéressé par la création d'un groupe sur Istres.
Cette annonce a eu du succès, j'ai eu pas mal d'appels.
J'ai organisé une réunion d'information en présence d'un responsable régional, qui plus tard est devenu président d'Amnesty. Le président qui a démissionné en 1991 lors de la guerre Irak/Koweït, parce qu'il voulait pouvoir exprimer librement ses idées non-violentes.
Alain restera toujours pour moi le meilleur amnestyen que j'ai connu, et je regrette qu'Amnesty l'ai si vite oublié.
Notre première réunion avait donc attiré une vingtaine de personnes, des curieux et des très intéressés.
Notre groupe s'est formé, sous le parrainage du groupe de Martigues durant la première année.
C'était encore l'époque où nous avions des "dossiers de prisonniers d'opinion", c'est à dire qu'Amnesty nous confiait le dossier d'une personne emprisonnée pour ses idées, et nous avions la charge d'écrire pour demander sa libération, et, quand s'était possible, écrire directement au prisonnier pour lui dire qu'il n'était plus seul et oublié.
Je me souviens de cet homme d'Allemagne de l'Est (le mur n'était pas tombé), de Jean-Marie-Vianney, ressortissant d'une dictature africaine, d'un chilien sous Pinochet, et ces hommes nous devenaient familiers, ils faisaient un peu partie de notre vie.
Nos réunions étaient chaleureuses, conviviales, avec une bouteille pour chaque anniversaire ou chaque bonne nouvelle à fêter.
Nous volions de nos propres ailes, avec un secrétaire, un trésorier, un responsable par dossier ou par campagne.
Des membres arrivaient, d'autres partaient, nous étions quelquefois nombreux, d'autres fois très peu au point de nous inquiéter sur l'avenir du groupe.
Amnesty m'a ouverte vers cette vie associative, m'a appris à parler en public.
La première fois c'était pour animer un débat autour d'un film sur l'Afrique du Sud et l'Apartheid. J'avais l'estomac noué depuis le matin, et puis quand j'ai eu le micro s'est venu tout seul.
Amnesty m'a dégourdie.
Nous multipliions les activités: foires aux livres, inaugurations de fresques commémoratives, soirées-débats, spectacles dont le bénéfice nous était reversé.
Amnesty a rempli ma vie, petit à petit je me suis intéressée à la vie régionale d'Amnesty, nationale en participant aux Congrès nationaux, et puis, en 1998, je me suis présentée comme "conseillère nationale" pour la région PACA.
Et j'ai été élue.
A partir de là, les voyages réguliers à Paris ont commencé, avec les "conseils nationaux" qui nous réunissaient tous les 2 mois, le week-end de formations et autres réunions.
C'était une époque de ma vie où j'avais besoin de cela.
Ce fourmillement d'idées, de discussions, de débats, bd de la Villette, me nourrissait.
Amnesty a fait partie de ma vie, totalement.
Et puis en 2005, une lassitude, quelques tensions, des questions.
Et puis j'ai rencontré mon amoureux et il n'était plus question que je parte des week-end entiers, surtout qu'entre temps le syndicalisme m'avait appelée à Paris souvent dans la semaine aussi.
J'ai fait une croix sur Amnesty.
Mais les plus de 20 ans que j'y ai passés, que j'y ai consacrés, feront toujours partie intégrante de moi.
Amnesty m'a ouvert sur la vie associative, m'a emmenée vers le militantisme local, vers mon élection au conseil municipal d'Istres, vers ma participation aux mouvements que je trouve justes et justifiés.
C'est peut-être même Amnesty qui m'a emmenée vers le militantisme syndical.
Et même si aujourd'hui je ne fais plus partie d'Amnesty, Amnesty m'a fait de superbes cadeaux: sans Amnesty je ne connaîtrais pas Daniel, Nicole ou Dominique.
Ceux qui ont d'abord été des copains de lutte avant de devenir des Amis avec un grand A.
C'est une réalité, Amnesty a changé le cours de ma vie.


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