Il y avait un moment que je m’en faisais une joie : aller
enfin à la Fête de l’Huma, et avec mon fils !
Arrivés à midi le vendredi 13 septembre, un déjeuner aux
Cadrans, puis arriver à rejoindre la Gare du Nord, où était situé notre hôtel,
en ce jour de grève de la RATP.
Je ne râle pas : je soutiens les grévistes. Et nous
trouvons assez vite un RER qui nous y emmène.
Gare du Nord : trouver l’hôtel. Il y a des quartiers de
Paris que je connais bien, celui-là, pas du tout.
Trouvé ! Une chambre Booking chacun, un moment de repos
et c’est parti.
Le RER D fonctionne normalement.
Il n’y a pas encore trop de monde à La Courneuve. Un contrôle
très rapide, un bracelet jaune soudé au poignet, on y est.
On se disperse avec Joan. Premiers achats : t-shirts à
messages. On se retrouve au stand du PCF des Pyrénées Orientales.
Encore un petit tour et repérage des endroits sympas pour
dîner.
Ça sera le stand des Landes : foie gras, magret,
croustade, Sauternes…
Puis j’essaie de voir des connaissances : pas facile dans
cette foule qui a gonflé depuis notre arrivée.
Un salut aux camarades de Gardanne, partis pour faire la fête
jusqu’au bout de la nuit.
Nous nous frayons un chemin vers la sortie : dur !
Retour à Gare du Nord, sommeil !
Samedi matin : un petit déjeuner dans une brasserie
parisienne.
Direction St Michel, Joan a des adresses de magasins « à
trésors ».
Nous les cherchons et les trouvons, il est heureux comme un
gamin. Son sourire vaut de l’or !
Cette matinée ensemble, dans ce quartier que j’aime, fut
calme, complice, très belle.
Nous nous redirigeons vers La Courneuve. Des flots y arrivent
en même temps que nous. Trop, à notre goût.
La Grande Scène. Fabien Roussel vient de terminer son
discours. La foule devant le chapiteau est dense, compacte.
Marc Lavoine est annoncé, acclamé. Je suis bien trop loin de
la scène et le soleil tape fort. Je l’ai déjà vu sur scène, je le reverrai,
nous continuons à essayer de nous frayer un chemin, cela devient étouffant.
Enfin, le village du livre !
Les Pinçon-Charlot ne sont pas derrière leur stand, mais je choisis
quand même un de leurs livres.
Josiane Balasko est là, et je pense à Christophe qui l’adore.
Son dernier bouquin, « jaméplu », sera dédicacé par elle pour lui.
Pierre Dharréville est là. Joan lui fait dédicacer un livre
pour sa camarade. J’en prends un pour moi. Il prend le temps de discuter, il y
a beaucoup de chaleur et d’humanité en lui. Sans doute un des moments les plus
forts du week-end pour moi.
Repas au stand des signatures pour ADP et nous ressortons,
oppressés par la foule.
Direction le retour à l’hôtel.
Et là, à l’approche de la station, je m’étale de tout mon
long, avec le visage contre une barrière de sécurité.
Attroupement. Ce qui inquiète le plus c’est mon œil droit
tuméfié. Mes lunettes neuves n’ont pas supporté le choc. Moi je sens surtout la
douleur à la main droite et je vois mon poignet gonfler.
Les pompiers m’emmènent à l’hôpital de St Denis, Joan m’accompagne,
plein d’attentions, inquiet.
Les urgences de l’hôpital de St Denis : la cour des
miracles.
Un personnel très restreint. Des feuillets sur les murs où les
soignants ont écrit des faits qu’ils ont vécu. De la violence essentiellement.
On me met sur un brancard et on me dit d’attendre. Joan est
dans la salle d’attente.
Je dois aller réclamer que l’on me nettoie le visage,
ensanglanté du côté droit.
Je demande à ce que Joan vienne près de moi. J’essuie un net refus
par une première personne. Têtue, je demande à une autre personne qui finit par
le laisser me rejoindre. L’attente qui s’annonce m’inquiète plus pour lui que
pour moi.
Une interne vient tâter mon poignet, m’envoie à la radio.
Je passe la radio et je reviens attendre, cette fois dans une
salle d’où l’on peut observer les allées et venues. Joan est là, mon réconfort.
Aux urgences, à minuit passé, on voit un échantillonnage
étrange de population.
Des cris, des propos incohérents, des paroles de vengeance « sur
le Coran ».
On relativise la chance que l’on a de vivre dans un milieu
calme, privilégié.
La détresse des « quartiers » est bien là, palpable,
triste.
On vient me dire que c’est cassé, qu’il faut plâtrer.
On me fait un plâtre à l’ancienne, lourd, blessant par
endroit. Mais, ouf, nous pouvons ressortir de ce lieu sordide.
Mais comment rejoindre notre hôtel à 2h30 du matin, nous ne
savons même pas où nous sommes.
L’hôpital nous suggère Uber. Les taxis ne se déplacent pas
dans ces coins de banlieue la nuit.
Effectivement, c’est un Uber que nous arrivons à obtenir,
assez rapidement, grâce à Joan qui se débrouille comme un chef.
Nous traversons le quartier de la Porte de la Chapelle.
Des tentes de fortunes, des attroupements de personnes à l’air
perdu : des migrants, abandonnés là à leur sort. L’inhumanité.
L’hôtel enfin.
Pas facile de dormir avec un bras plâtré et douloureux, mais
il y aura des nuits meilleures.
Joan est là le dimanche matin pour m’aider à ranger mes
affaires.
Je ne sais rien faire de la main gauche.
Dans la glace je vois mon œil droit entouré de violet…
Notre train part en début d’après-midi et nous sommes
impatients de nous retrouver en territoire connu.
Joan envoie à mon amoureux une photo de mon visage décoré,
pour que la surprise soit moins grande pour lui à notre arrivée.
Le regard des gens vers mon œil est pénible. Dans le contexte
actuel on pense « femme battue »…
Enfin Aix, je m’écroule en larme dans les bras de mon
amoureux, puis un peu plus tard dans ceux de Joan. Toute une émotion gardée
depuis des heures qui sort.
J’ai un fils qui m’a soutenue, deux hommes qui m’aiment.
Maintenant apprendre la patience.
L’horrible plâtre a été remplacé par une belle orthèse bleue.
Et jusqu’à fin octobre j’apprends à être gauchère.
Je suis entourée d’attention.
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