Jour ? A vrai dire j’essaie de ne pas compter. Je suis
sûre de la date de début, mais qui connaît la date de fin ?
Quelquefois j’ai l’impression d’être dans une fiction, mais
non, c’est du vécu, c’est pour de vrai.
Et, ce qui m’aurait semblé inconcevable il y a quelques
semaines, je m’y suis habituée.
D’abord en relativisant : je fais partie de ceux qui
peuvent rester chez eux sans perte de revenus, ma pension de retraite ne bouge
pas, je n’étais déjà plus très utile à la société.
J’ai une maison, assez grande, avec un peu d’extérieur. Depuis
que le temps est au beau, le nécessaire est installé pour les pauses café ou
thé au soleil.
Et puis nous sommes deux, nous nous entendons bien. De temps
en temps l’un s’isole avec son casque, au téléphone, dans un jeu, sur son
ordinateur.
Maman s’est installée à temps à Aix. Je n’ose pas imaginer
comment je vivrais la situation si elle était toujours seule dans sa grande
maison. Bien sûr, elle me dirait que ça va, qu’elle a son jardin. Mais elle
serait totalement dépendante de ses voisins pour ses courses. Et moi j’aurais
déjà pris le risque d’y aller, donc de me faire arrêter…
Les jours se suivent, se ressemblent, seul le temps change,
frais, plus chaud, soleil voilé, grand soleil.
La même chose en novembre/décembre aurait été pour moi bien
plus dure à vivre. La lumière du jour, le rayonnement du soleil, c’est bon pour
le moral.
Le rythme se ralentit, les jours passent, avec les habitudes
qui se sont instaurées : petit-déjeuner à rallonge, moments café, moments
thé…
Les appels téléphoniques sont plus nombreux, plus longs. Nous
prenons des nouvelles les uns des autres. Les mails sont plus étoffés, plus
détaillés. Les réseaux sociaux sont en surchauffe, on n’y a jamais partagé
autant de choses, des jeux, des histoires, des trucs qui font passer le temps.
Et puis il y a les sorties, « sorties autorisées »
bien sûr. Avec notre attestation en bonne et due forme. Je n’aurais jamais
pensé me faire des attestations à moi-même.
Ces sorties me stressent, mettre des vêtements réservés à ces occasions,
prévoir le nécessaire.
Au retour, vite se changer, nettoyer, désinfecter, regarder ce
qui vient de l’extérieur avec circonspection.
Les gens que l’on croise, à ces occasions, semblent
différents, distants, comme on nous le demande, et à la fois une envie de se
sourire, car le contact humain nous manque.
Et je pense à ceux qui, eux, ne sont pas concernés par ce
confinement qui est quelque part une mise en sécurité. J’ai de l’admiration
pour ceux qui tous les jours travaillent plus que d’habitude, pour notre santé,
pour que nous ne manquions pas du nécessaire, pour que nous ayons du pain
frais.
Je ne les oublierai pas après. Je me battrai pour eux, pour
que leur utilité soit récompensée à sa juste valeur, pour que les soignants
soient plus nombreux, dans des hôpitaux mieux équipés, avec un salaire décent.
Pour que ceux qui acheminent notre nourriture, ceux qui la mettent en rayons,
ceux qui sont en caisse, soient rémunérés au-delà du SMIC.
Et puis je me battrai pour que l’on arrête de détruire le
service public dont on s’aperçoit en ce moment qu’il est tellement
indispensable.
Et cette solidarité qui s’est créée, il faut surtout qu’elle
perdure.
Il faut qu’il y ait un avant et un après, que l’on ne retombe
pas dans la routine qui nous avait endormis, il faut que l’on voit l’avenir
autrement.
Que cette malheureuse épidémie ait servi à quelque chose, qu’on
se souvienne qu’elle a eu du bon.
Je sais que mes amis, mes camarades, en ont autant envie que
moi. Alors nous seront forts ensemble !
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