A l’image du soleil qui peine à se lever, matinée morose.
Roukmoute, une de nos minettes, mal en point depuis plusieurs
mois, mais que l’on espérait avoir sauvée, se traîne avec un miaulement étouffé
depuis hier. Vétérinaire jeudi, sera-t-elle encore là ?
Ce matin, comme tous les matins (et soirs), maman au téléphone.
Maman, qui se levait tôt, se lève de plus en plus tard. Pas grave.
Mais ces conversations du matin me laissent toujours un goût
triste. Comme si son cerveau ne s’était pas encore mis en route.
Toujours le récit de ses rêves, qui se passent tous à
Costeplane, là où elle a grandi.
Puis des questions, quelquefois incongrues, mais surtout qui
reviennent presque tous les jours.
Tu travailles aujourd’hui ?: non maman. D’une part je suis
retraitée, je n’ai plus de « travail » mais beaucoup d’occupations,
et d’autre part en ce moment la France est au point mort et moi aussi.
Qu’est-ce que vous faites alors pour les vacances ?: ben,
rien pour l’instant, pas de projets tant que l’on ne peut pas en faire.
Philippe a des nouvelles de ses enfants ?: non maman, il
n’en a plus depuis fort longtemps.
Quand même, ils ne sont pas gentils ses enfants : non, ils
ne le sont plus depuis qu’on leur a bourré le crâne de fausses informations, et
qu’apparemment ils ne cherchent pas à démêler le vrai du faux.
Le coup de fil du soir est un peu plus tonique, heureusement.
Et puis, la date de déconfinement étant donnée (quoique, le
suspense est maintenu…), les appels pour la maison de maman qui est en vente
reprennent.
Et dès le déconfinement venu, il va falloir y retourner,
souvent, pour continuer à la débarrasser, et pour prévoir les visites que les
potentiels acheteurs réclament avec insistance.
Cette maison, il faut la vendre, il n’y a pas d’autres
solutions.
Mais que c’est dur de vendre la maison de ses parents, et
surtout de la préparer à la vente. De remuer tout ce passé accumulé. De retrouver
des photos, des courriers.
De se rendre compte que maman, les derniers mois, avait un peu
perdu le sens des réalités. Qu’elle accumulait tant de choses, la plupart inutiles,
mais en les commandant elle avait des chances de gagner un cadeau mirobolant.
Qu’elle stockait tant de nourriture, de vin (maman n’a jamais
beaucoup bu), de choses diverses : savons (Joan et moi en avons pour des
années), allumettes (nous pourrons allumer la cheminée jusqu’à la fin de nos
jours), etc…
Maman a vécu la guerre, même si, à Costeplane, ils étaient un
peu épargnés par les vacarmes et les peurs de la ville. Cela laisse des traces.
Bon, il faut chasser la morosité.
La maison se vendra, Joan et mon amoureux sont là pour m’y
aider, ainsi que tous les amis sur lesquels nous savons pouvoir compter.
Maman ne va pas rajeunir, mais moi je dois m’habituer.
Les activités qui donnent du sens à ma retraite vont reprendre.
Et les guides de voyages sont là, ils permettent le rêve.
Et cette année, quand nous pourrons aller plus loin que 100
kms, ce sera en France. Dans de petits hôtels, de petits restaurants, pour que,
avec notre maigre contribution, ils tiennent le coup, se remettent doucement de
ce passage à vide qui nous laisse tous sidérés.
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