"L’écossais" - Nouvelle
L'an 2000, les débuts d'internet.
On lançait la connexion et un long bruit plus tard on était connecté à la "toile".
Et pendant tout le temps où l'on était connecté on était injoignable par téléphone.
Les débuts du "chat" aussi, messagerie instantanée, clavardage pour les québécois.
Le soir, Carole se connecte sur "Caramail".
Elle cherche s'il y a des gens proches de sa ville.
Surprise, elle y retrouve quelquefois des gens qu'elle connait dans la vraie vie.
Elle se fait draguer par des hommes qui ne savent rien d'elle mais qui sont attirés par le pseudo, "voyageuse".
Elle cherche s'il y a des internautes dans l'Aveyron, où elle va souvent en vacances chez son meilleur ami.
Il y en a peu, mais un homme avec un pseudo imprononçable est là souvent.
Elle finit par l'aborder.
Ils discutent, de choses et d'autres.
Il est écossais, enfin un mélange d'Ecosse, d'Irlande et d'Angleterre, mais il se revendique écossais.
Un peu plus jeune qu'elle, il est arrivé en France comme assistant d'anglais dans un lycée de l'Aveyron, il y a rencontré une belle algéro-aveyronnaise, il n'est pas reparti.
Depuis peu, la belle est partie, il s'est retiré dans une vieille ferme au bord du Lot.
Il n'est pas très gai, il a besoin de parler.
Ils échangent longuement.
Elle lui propose de discuter au téléphone, plus rapide, il n'y tient pas.
Il lui propose un jeu: il va la décrire comme il l'imagine, elle doit le décrire comme elle l'imagine.
Elle le décrit, elle l'imagine un peu comme un bûcheron grand et costaud, en chemise à carreaux canadiens, un peu comme un ours avec un énorme coeur.
Des cheveux longs et une barbe rousse.
Avec un accent écossais, mais c'est comment l'accent écossais?
Il la décrit comme un petit bout de femme à l'aspect fragile, à l'écoute des autres.
Il la voit plutôt en dentelles féminines.
Elle rit, elle est grande et a plutôt un aspect "solide", elle s'habille en jean.
Le téléphone finit par s'imposer, il l'accepte.
Ils parlent longuement, il a une plaie béante qui a besoin de cicatriser.
Il a deux enfants, des mélanges franco-algéro-anglo-saxons.
Elle l'écoute, a envie de l'aider à guérir.
Elle aime sa voix, son accent, ses formules quelquefois étranges, drôles de mélanges.
Une amitié un peu irréelle se tisse, ils n'y voient rien d'autre.
Un jour l'écossais lui demande si le week-end prochain elle est chez elle.
Oui, elle y sera - Alors il viendra.
Le vendredi il l'appelle quand il part.
Il la rappelle presque arrivé.
Ils se donnent rendez-vous dans une grande surface, c'est lui qui l'a décidé.
Comment se reconnaître lui demande Carole?
"On se reconnaîtra!" lui répond-il.
Se reconnaître dans un hyper marché! Quelle drôle d'idée!
Mais c'est amusant.
Elle prend sa voiture.
Elle parcourt le parking à la recherche d'une voiture immatriculée dans l'Aveyron.
En voila une, rouge, elle se gare à côté.
Elle n'a pas envie de parcourir les rayons, ça lui donnerait l'impression de faire ses courses.
Alors elle reste au rayon librairie, feuillette distraitement les livres exposés en regardant régulièrement autour d'elle.
Les minutes passent.
Un homme grand, blond, aux yeux bleus arrive nonchalamment.
Carole tilte! Il est superbe! Et si c'était lui?
Il vient vers les livres, en prend un au hasard, puis la regarde par dessus son livre.
Carole? Oui.
Il la suit en voiture jusque chez elle.
Ils dînent puis passent des heures à discuter devant la cheminée.
Il n'y a plus de mystère et pourtant c'est toujours agréable.
La fatigue les gagne. Il a beaucoup roulé.
La chambre d'amis est prête.
Celle de Carole est sur le même palier.
Elle lui dit: "tu dors où tu veux".
Il est venu s'allonger près d'elle, dans sa chambre.
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