19 août 2018

Ayguatebia août 2018


Arriver dans mon village, dans notre maison qui a été ouverte, aérée, balayée par ma cousine préférée, quel bonheur.
Le réfrigérateur est en fonction et contient des boissons fraiches, que demander de plus ?
Le premier soir, ma cousine préférée a tout prévu pour le repas. Donc, une fois les affaires sorties de la voiture et vaguement rangées nous commençons à penser à l’apéro.
Puis au repas que  nous prenons ensemble sur la table de tata Paulette que nous mettons au milieu de la cour familiale.
Les hommes s’occupent du barbecue, qui va servir tous les soirs où nous dinerons ensemble.
Papa avait fait un barbecue en faisant la maison, mais c’est plutôt la génération suivante qui l’utilise. Il est à la disposition de la communauté familiale et j’aime cet esprit.
Avec Ghislaine nous discutons. Plus que ma cousine, c’est une amie avec qui j’ai une histoire familiale commune.
Pour ce premier repas, nous faisons donc un tour d’horizon de nos  passés proches respectifs, de la vie du village, des projets. Nous gardons toujours le contact, au moins par téléphone. Et nous élaborons l’idée d’un repas avec les 4 cousines pour le samedi.
Le lendemain, la 3ème cousine arrive, avec son compagnon. Christine est déjà là depuis quelques jours, mais avec elle nous avons moins l’habitude de partager, et ses horaires sont différents des nôtres. Je dis gentiment qu’elle est en « horaires décalés ».
Donc le 2ème soir, c’est à 6 que nous dinons après un apéritif digne de ce nom. Nous avons la chance d’avoir tous nos chambres à moins de 50 mètres !
Le barbecue fonctionne à nouveau, cette fois avec la fameuse saucisse d’ici, celle dont on ne trouve pas d’équivalent ailleurs, et que rapporte en quantité à chaque départ.
L’ambiance est différente, nous sommes moins proches avec Marise et Mane, pour la raison principale que nous nous voyons peu. Bien que cette année nous ayons eu l’occasion de nous voir deux fois déjà, aux enterrements de deux tantes, mais ces occasions là on s’en passerait bien…
Nous parlons plus du passé, des souvenirs que nous avons chacune ici, souvenirs tous différents car nous ne venions pas aux mêmes moments, aux mêmes époques.
Mais nous avons toutes les trois le même ressenti sur notre grand-père et notre grand-mère. Une grand-mère qui  nous aimait à sa façon, mais avait du mal à le montrer, une grand-mère dont nous gardons le souvenir d’une femme dure et sèche.  Et toujours vêtue de noir avec un éternel chignon serré.
Mais sa vie a été dure. 5 enfants, une ferme qu’elle gérait quasiment seule car notre grand-père travaillait aux « ponts et chaussées » pour assurer quelque chose dans la marmite tous les  jours.
Un grand-père dont nous nous souvenons avec émotion car il aimait jouer avec nous quand nous étions là. Mais aussi un patriarche que notre grand-mère servait à table en devançant tous ses désirs.
Nous avons chacune ressenti les repas où la famille était réunie, ce qui arrivait une fois par été, à notre façon. Une corvée pour l’une, un bon moment pour une autre. Parce qu’en dehors de ces retrouvailles, nos vies étaient différentes sans doute.
Moi j’étais la fille de celui qui était parti à la ville et qui avait « réussi ». J’ai entendu quelquefois par le passé que c’était le préféré de notre grand-mère. Le dernier des 4 garçons, avant l’arrivée de « la » fille, 9 ans plus tard.
Mais j’étais aussi la fille de « celle qui n’était pas d’ici ». Mes oncles et tante se sont tous mariés avec des femmes ou un homme d’ici. Des catalans donc. Certaines de mes tantes étaient d’ailleurs cousines entre elles. Maman venait de la montagne aussi, mais des Alpes, où le beau chasseur alpin qu’était mon père à Barcelonnette l’avait séduite. Elle m’a raconté quelquefois combien sa première venue dans la famille Goze avait été difficile pour elle. A l’époque, le catalan se parlait couramment, elle ne le comprenait pas…
Le 3ème soir, nous voilà enfin tous réunis, à 8, avec Christine et son compagnon. Nous avions fait le marché à Formiguères le matin, et chaque couple avait sa participation définie. Pain et desserts pour nous.
Le barbecue a encore fonctionné, avec Patrick et Fabien aux manettes.
Comme toujours dans ces occasions, nous avions prévu beaucoup, et chacun et reparti avec des restes.
L’un des cousins a lancé la conversation sur son appartenance à un syndicat modéré (ou réformiste), et, bien sûr, je n’ai pas pu m’empêcher de réagir et de revendiquer mon appartenance à un syndicat plus actif, à la ligne plus dure. Le compagnon de Christine, toujours discret et effacé, et qu’à ce jour nous n’avons vu qu’à l’occasion de ce repas, a réagi vivement. Le syndicat modéré ne lui convient vraiment pas, et on sentait une colère en lui. La colère de ceux qui s’expriment peu mais qui pensent.
L’ainée des cousines m’a surprise par des propos que je considère comme réactionnaires et contre lesquels je n’ai pu me retenir de m’insurger. Des voix disaient : terrain glissant, il vaut mieux parler d’un autre sujet. 
Les silences de certains face à certains propos marquaient discrètement l’approbation ou la désapprobation. Quelquefois une moue vaut une parole.
Eh oui, la politique en famille, ce n’est pas un sujet rassembleur…
Et là nous avons entendu un grand bruit du côté de chez tata Paulette, cette tante qui était un peu l’âme de la communauté Goze par sa gentillesse et son franc parler. Cette tante qui nous a quittés au printemps et que toute la famille, et, au-delà, tout le village regrette.
Et nous voyons apparaître Vincent, le « petit-cousin », le fils de Gérard, le seul cousin homme, qui a eu la mauvaise idée de disparaître dans un accident de moto en 2003, et qui reste pour moi, et pour nous un homme si bon, si attachant. 
Je crois que j’étais un peu amoureuse de lui quand j’étais gamine…
Vincent est aussi sympathique que son père. Il est venu juste pour une nuit, de façon inattendue, avec sa femme mexicaine, qu’il a rencontrée lors de ses études là-bas, et leur petit Louis de 5 ans, qui parle espagnol ou français indifféremment.
Nous réalisons que c’est la première fois depuis plusieurs années que les 5 « maisons Goze », qui avant formaient l’habitation et la ferme de nos grands-parents, et qui ont été divisées sans le moindre problème, sont ouvertes. Qu’il y a un représentant de chaque fils ou fille Goze.
Un moment d’émotion vive, qui fait remonter tant de souvenirs à la surface.
La soirée se prolonge jusqu’à tard. Puis certains descendrons au bal, puisque c’est la fête du village, et d’autres regagneront leur lit.
Nous nous promettons de reproduire ce moment tous les ans, nous parlons de mettre en communauté, dans le petit cabanon à outils, les chaises, tables et relax pour les moments de farniente ou de retrouvailles.
Aujourd’hui nous sommes seuls, mon amoureux et moi. Nous repeignons les volets depuis le début de la semaine.
Ma cousine préférée et son mari sont partis dimanche mais reviendront peut-être. Je le souhaite. Marise et Mane sont retournés à Perpignan. Ils sont les plus proches et viennent souvent et restent peu.
Christine est là, mais nous ne nous sommes pas recroisés depuis ce repas. Le premier couple qui partira ira dire au revoir à l’autre.
Une famille…


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