Vendredi soir, avec mon amie Christine, je suis allée à mon Nème concert de Juju.
La première fois que je l'ai vu c'était avec elle, nous devions avoir 16 ans, mes parents nous avaient emmenées, c'était sans doute un des premiers plus beaux jours de ma vie.
Et là, quelques 46 années plus tard, c'est avec Christine que j'y suis retournée, et que j'ai retrouvé la même ferveur qui entre temps m'avait quand même un peu quittée.
C'était bon d'y être avec elle, de se comprendre dès les premières notes d'une chanson, de se précipiter devant la scène dès que les cerbères nous y ont autorisés.
Un beau spectacle, un décor original et changeant, huit musiciens dont un chef d'orchestre, Benjamin Constant, tout jeune et multi instrumentiste, à l'avenir prometteur.
Et un Juju simple, tout de noir vêtu, à la voix adoucie, à l'humanité qui transparaît dans ses chansons et dans ses phrases entre les chansons.
Un homme amoureux et si touchant que l'on a envie de remercier celle qui fait de lui ce qu'il est maintenant.
Julien Clerc fait partie de ma vie, avec quelques autres.
Et avec des hauts et des bas.
Gamine j'aimais Cloclo, Joe Dassin, Michel Sardou (je n'étais pas politisée à l'époque...).
Puis ce grand brun frisé à la voix chevrotante est apparu.
A ses tout débuts je n'avais que 12 ans et, comme il avait plutôt mauvaise presse auprès de mes parents, je n'y ai pas fait attention. L'heure n'était pas encore à la révolte.
Puis, peu à peu, je suis tombée sous le charme.
Les paroles des chansons d'Etienne Roda Gil ou de Maurice Vallet changeaient des éternels je t'aime, même si je ne suis pas sûre d'avoir toujours tout compris.
Mais ces boucles longues, ce sourire...
Ses posters ont commencé à recouvrir les murs de ma chambre.
Et ses disques à tourner inlassablement sur mon électrophone, au grand désespoir de mon père qui l'appelait "la chèvre".
Comme beaucoup de pères de l'époque sans doute...
Quand il passait dans une "émission de variétés" j'étais électrisée, presque en transes.
Jamais encore un homme n'avait eu cet effet sur moi.
J'écoutais aussi Maxime Leforestier, puis Robert Charlebois, qui m'a donné l'envie d'aller voir son Québec, mais Juju était au dessus.
J'étais une fan, profondément.
Quand j'ai rencontré, à 17 ans, le futur père de mon fils, et que je lui ai fait part de mon amour pour Juju, il a fait la moue. Lui était bassiste, et à fond dans les Doors, les Floyds, Led Zep, etc...
La variété française le laissait froid.
Et puis sans doute une pointe de jalousie envers cet homme que j'admirais irrationnellement.
Je ne suis jamais allée le voir en concert avec lui.
Christine et Béatrice étaient là pour ça. Et lui s'entendait bien avec leurs compagnons respectifs, nous faisions donc soirée à part.
Maman aussi m'a accompagnée quelquefois. Elle l'aimait bien finalement.
Puis Cabrel et Renaud sont arrivés.
Ceux-là, chance, avaient l'aval de Jean-Jacques qui s'habituait à la bonne variété française, celle de Lavilliers, d'Higelin ou d'autres.
A la maison, le rock et la variété se succédaient en bonne intelligence.
Peu à peu, Juju s'est éloigné.
Son charme n'agissait plus de la même façon sur moi, même si je ne l'ai jamais perdu de vue.
"Les chemins de traverse" de Francis, "Laisse béton" de Renaud ont fait basculer la balance.
Mon coeur de midinette/fan est allé vers eux.
Cabrel a accompagné ma grossesse, et a calmé les pleurs de Joan qui avait du s'habituer à cette musique in utéro.
Puis, de plus en plus politisée, Renaud et ses chansons engagées m'ont carrément emportées.
Celui qui a vraiment accompagné ma vie, c'est lui.
Lui que j'ai vu tant de fois sur scène, alors que Juju s'éloignait lorsque ses paroliers ont changé et qu'il a eu la faiblesse, un moment, de tomber dans une variété facile.
Je n'ai pas aimé la période "Cœur de rockeur", "Mélissa", "La fille aux bas nylon".
Je ne voulais plus le voir, je ne le reconnaissais pas.
Puis Roda-Gil est revenu avec "Utile", et l'étincelle a rejailli.
Je l'ai revu sur scène, je l'ai apprécié à nouveau, et la nostalgie de ma jeunesse était là.
Puis, si j'ai apprécié les disques qui ont suivi, je n'appréciais plus les concerts.
Ces femmes vieillissantes, comme moi, qui étaient en transes quand il enlevait sa veste, quand il ondulait du bassin, et quand il entonnait "Femmes je vous aime", je trouvais cela ridicule et ne voulais pas être assimilée à ce public.
Et là, vendredi, je l'ai retrouvé.
Ses chansons, tant écoutées il y a longtemps, sont ancrées en moi, bien plus que tout ce que j'ai pu apprendre par coeur avant des examens.
"Le patineur", "La cavalerie", "Yann et les dauphins", "Ivanovitch", "Elle voulait que je l'appelle Venise", et des dizaines d'autres, à la première note, je les chante en intégralité.
Elles sont gravées au même titre que "Mistral gagnant" ou "Petite Marie".
Une vie est faite de lieux, de personnes, Julien Clerc fait partie de ceux-là.
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