Dans ma vie d’adulte il y a trois vies.
C’est beaucoup peut-être, mais finalement je suis riche de ses
vies.
Je suis dans la troisième et je voudrais que ce soit la
dernière, et qu’elle soit la plus longue possible.
La première vie de (presque) adulte a commencé à 17 ans, avec
la rencontre du père de Joan. Magnifique d’Artagnan.
J’ai appris à vivre en adulte avec lui, j’ai appris l’indépendance
avec lui, j’ai appris à être mère avec lui.
Je l’ai aimé de toutes mes forces. Je ne pensais pas pouvoir
encore aimer aussi fort après.
Ceux qui étaient à mes côtés savent que ça n’a pas toujours
été un long fleuve tranquille, qu’il y a eu un méandre que ma mémoire a voulu
effacer mais qui a bien existé hélas.
Cette vie s’est terminée le 26 avril 1997, quand j’ai su que
je ne pourrai plus le voir, plus le toucher, plus lui dire tout ce que j’avais
encore à lui dire.
Ma deuxième a commencé, triste et puis folle. Ma « crise
d’adolescence », à 41 ans, comme certains m’ont dit avec raison.
Et j’étais mère d’un adolescent.
Mes amis, mes parents aussi, mais j’ai essayé de ne pas les
laisser trop s’impliquer dans ma vie, m’ont aidée, beaucoup.
Je ne sais pas comment j’aurais fait sans eux.
Mais le sourire de Joan, quelquefois triste, était toujours
là.
Je n’étais peut-être pas toujours été là pour lui quand il le
fallait, j’étais un peu partout, et nulle part. Mais un immense amour nous
unissait, et nous unit toujours.
J’ai enchaîné des histoires, plus ou moins folles. J’avais
besoin de me prouver que je vivais.
On m’a jugée, pas mes amis.
On m’a beaucoup aidée aussi.
Les soirées avec Filou, avec Dan, avec Dom, étaient des
moments où j’oubliais tout. Des moments intenses de complicité et de rires.
J’ai voyagé malgré la solitude. Cinq semaines à Montréal,
parenthèse enchantée…
Je me suis aguerrie, endurcie, on m’a même dit que « j’avais
une vie d’homme », et je ne sais toujours pas ce que cela veut dire.
En fond, le militantisme, toujours. Un des supports (des
tuteurs ?) de ma vie.
Et le 11 octobre 2005, une rencontre, superbe.
Un coup de foudre comme je pensais qu’il n’en existait que
dans les livres.
Et l’amour était partagé, chance !
Mon amoureux a été adopté par mon fils, c’était une condition
sinéquanone, mais aussi par mes amis, par ma famille.
Les débuts avec lui ont été difficiles, son ex ne supportait
pas qu’il ait rencontré quelqu’un. Scénario classique…
Elle s’est servie des enfants, scénario malheureux mais hélas
classique aussi.
Les enfants m’avaient acceptée, mais le bourrage de crane
maternel a fini par faire son effet.
Son stratagème était clair : ou il me laissait et gardait
les enfants, ou il restait avec moi et les perdait.
Il n’a pas accepté le chantage, il les a perdus. Ça a été pour
lui une immense peine, mais nous étions deux pour la surmonter.
Maintenant, même si sa peine est toujours là, tapie au fond de
lui, nous vivons.
Pleinement, amoureusement.
Nous profitons de tous les instants de la vie. Et Montréal,
maintenant c’est avec lui que j’y vais. Et ailleurs aussi.
Nos voyages sont de très beaux souvenirs.
Pour lui j’ai quitté ma ville de cœur, Istres, et je me suis
acclimatée à un autre lieu.
Et au moment où j’écris cela, après une manif et un repas avec
des amis/camarades, et lui, je me rends compte de ma chance.
J’espère ne jamais la perdre.
De nouvelles personnes sont entrées dans notre vies, des amis
que nous nous sommes faits ensemble, liés à notre militantisme commun. Ces personnes
sans qui je ne m’imagine plus.
Et puis l’essentiel est là, toujours, Joan, avec qui j’ai
manifesté et qui m’a embrassée fort avant de partir, et qui est et sera,
toujours, l’amour de ma vie.
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