Une histoire vraie où les prénoms sont remplacés par leur
initiale.
En 65 ans j’en ai connu du monde.
J’ai eu des amis, et pour la plupart je les ai toujours. Je
suis fidèle en amitié.
J’ai perdu un couple d’amis, C & G, mais j’ai compris
pourquoi, et avec le recul, je trouve que leur attitude a été tellement peu
glorieuse que je ne les regrette pas.
J’ai volontairement mis fin à une amitié avec C, car, quand on
passe des heures à écouter quelqu’un ressasser à peu près toujours les mêmes
choses, et que quand on a soi-même besoin de parler on ne rencontre pas
d’écoute, on se lasse. Mais on en a parlé, certes avec des mots pas forcément
agréables, et l’amitié s’est éteinte en moi. Je ne regrette rien.
Il y a eu des à-coups avec ma Dom, à un moment donné nous
n’étions plus sur la même longueur d’onde, enfin, c’est ce que je ressentais.
Nous nous sommes éloignées. Puis elle a vécu un drame personnel, et là il était
évident que je devais être avec elle. Et nous nous sommes prises dans les bras.
La relation a repris, différente car le contexte est différent, nos vies
respectives ont un peu changé. Nous nous revoyons, communiquons, et le plaisir
est là, on se comprend comme avant.
Et puis ma Béa que j’ai perdue sur un coup de tête, une des
plus grosses bêtises de ma vie, un regret qui ne me quittera jamais. J’en suis
la seule responsable, mes réactions à chaud me jouent des tours, et je m’en
mordrai le cœur à vie.
Et là, depuis juillet, une amitié a disparu. Et le plus dur
c’est de ne pas savoir pourquoi, c’est que A & T n’ont jamais jugé utile de
donner une explication, balayant ainsi des années de partage où il n’y avait
jamais eu aucun nuage apparent.
J’ai connu A dans le cadre militant, il y a 13 ans. Je l’ai
tout de suite trouvée très sympathique. C’était apparemment réciproque. Mon
amoureux l’appréciait aussi.
Rapidement nous avons fait la connaissance de son compagnon,
T, qui est depuis devenu son mari, que nous avons aussi trouvé sympathique,
jovial. C’était un couple attachant, très amoureux.
Au bout de quelques mois nos rapports sont allés au-delà du
militantisme. Nous avons partagé des repas, chez eux, chez nous. Quelquefois
avec d’autres personnes que nous avons connues grâce à eux. Et avec qui nous
entretenons toujours des relations alors qu’eux ont disparu de notre champ de
vision.
Les années n’ont fait que resserrer nos liens : coups de
fils fréquents, moments partagés. Au sortir des confinements c’est d’ailleurs
avec eux que nous faisions notre première sortie en liberté.
En 2018 ils ont eu envie de découvrir le Québec, et c’est avec
grand plaisir que je les ai aidés à préparer leur voyage. J’y ai passé du temps
et je ne le regrette pas. Je les ai mis en contact avec notre amie
franco-québécoise qui leur consacré une journée de découverte.
Lorsqu’ils étaient au Québec, nous étions à Bali, et, par le
biais du décalage horaire, leurs journées commençaient quand les nôtres se
terminaient. Et, via Messenger, nous échangions tous les jours sur ce que nous
faisions, eux à l’Ouest, nous à l’Est.
Fin 2019, mon amoureux et moi avions réservé quelques jours à
Marrakech. Nous en avons parlé lors d’un repas en commun et T a manifesté
l’envie de venir avec nous. A était d’accord. Nous sommes donc partis à 4.
J’avais une légère appréhension car autant j’aime voyager avec
mon amoureux, autant je sais que ma patience est très limitée, en voyage, si
des tierces personnes se joignent à nous.
Et cette appréhension s’est dissipée très rapidement. Nous
avons toujours été en accord sur le programme du jour, nous avons ri, nous
avons fêté l’anniversaire d’A dans la bonne humeur. Je n’ai eu qu’un moment
d’agacement quand, la veille de notre départ, j’avais envie de profiter encore
un peu de la place Jemaa El Fna, d’une de ces terrasses d’où l’on voit toute
cette animation qui me plaisait tant. T voulait boire une bière, les bars de la
médina ne servent pas d’alcool. Nous avons quitté cet endroit où je me sentais
bien pour trouver un bar qui serve de l’alcool, A accédait toujours aux envies
de T.
Mon agacement s’est vite dissipé. Ce n’était pas si grave.
Au retour, mon amoureux leur a fait éditer un recueil de
photos souvenirs de cette escapade, qu’il leur a offert au cours d’un repas
partagé.
Contente que notre première expérience de vacances communes se
soit bien passée, je leur ai proposé de nous rejoindre quelques jours dans mon
repaire catalan, à l’été 2020. Ils ont accepté avec joie.
Ces quelques jours se sont bien passés, ils paraissaient
enchantés par les lieux, par les balades que nous avons faites, à pied ou en
voiture. La cohabitation était facile, simple.
Mes cousins et surtout amis, G & P, ont une maison en face
de la nôtre. Lorsque nous nous retrouvons dans ces montagnes, nous vivons un
peu « en communauté » : apéritifs et/ou repas partagés, discussions,
jeux de boules. Et cela participe pour moi au plaisir d’être là.
Nous avons bien senti que T n’appréciait pas trop mon cousin
P. P est un « personnage », quelqu’un qui a le cœur sur la main mais
aussi un humour particulier, auquel je me suis habituée, et qui fait partie de
ce qui le rend vraiment agréable à mes yeux. Cet humour passait mal auprès de
T, qui se mettait parfois un peu en retrait.
Mais au final nous avons gardé tous les 4 un bon souvenir de
ce séjour. D’ailleurs, quand nous avons parlé d’y retourner cet été, avec un
autre couple d’amis, M & G, T a tout de suite envisagé de faire partie de
l’équipe, et regrettait même de devoir rentrer plus tôt pour un rendez-vous
médical qu’A avait. Cette fois il y avait un but précis : G faisait le
triathlon des Angles, et les dates se sont fixées autour de la date du
triathlon.
De l’été 2020 à l’été 2021, nous nous voyions de plus en plus
en présence de M & G. Pendant les confinements, nos randonnées du dimanche,
avec pic-nic copieux, étaient notre bouffée d’air dans ce contexte anxiogène.
Nous avons partagé beaucoup de repas à 6.
Je peinais quelquefois à supporter T. Je devenais de plus en
plus sensible à ses jugements à l’emporte-pièce sans appel, à sa façon de
penser que les litiges se règlent avec les poings, à sa façon de couper une
conversation intéressante pour montrer une photo amusante à ses yeux sur
Facebook. Et, surtout, je supportais difficilement de l’entendre parler,
toujours, de ses problèmes de poids, de plus en plus handicapants, tout en
continuant à manger et à boire plus que de raison.
Mais je n’oubliais pas qu’il était toujours prêt à rendre
service, je n’oubliais pas qu’il avait pris ma défense quand, côté militantisme, je
n’étais plus en accord avec certaines personnes.
Et surtout, il était le mari d’Agnès. Que j’appréciais
toujours autant.
Même si je me demandais quelquefois pourquoi elle n’essayait
pas de le calmer dans ses excès.
On ne sait pas forcément ce qui se passe dans les couples…
Courant juillet, nous nous sommes donc retrouvés, tous les 6, dans
mon repaire des montagnes.
A & T sont arrivés les premiers. Nous les avons vus sortir
de leur voiture avec une mine qui ne leur était pas habituelle. Que
s’étaient-ils dit au cours du trajet ? A priori le voyage n’avait pas été
serein.
M & G sont arrivés peu après. Ils découvraient les lieux
et leur plaisir était communicatif.
Ma maison n’est pas bien grande. Ma cousine a proposé une
chambre chez eux à un des deux couples. A & T ont donc été logés chez G
& P. Leur maison a été emménagée avec astuce dans un espace réduit. Leur
chambre était de bonne taille, mais l’escalier pour y accéder était étroit et
raide. T a certainement eu du mal à les monter, les descendre. Mais ce sont des
maisons de montagne où il faut savoir s’adapter.
Dès le lendemain, l’attention s’est surtout portée sur G qui
préparait le triathlon. Avec mon amoureux ils ont reconnu le parcours en vélo,
et se baladaient dans les petites routes étroites et pentues avec grand
plaisir. T se retrouvait donc avec les filles, avec les cousins, et avec le
petit Adam, leur petit fils, qui était un petit soleil et participait à nos
balades. Adam s’est pris d’affection pour M, qui déployait des trésors d’imagination
pour trouver des jeux à partager avec lui.
Les repas n’ont peut-être pas été à la hauteur de ce que T
espérait. Nous mangions raisonnablement, buvions très raisonnablement, trop
sans doute à son goût.
G nous a préparé la paella dont il a le secret et nous l’avons
dégustée dans la cour commune, tous ensemble. Tout le monde s’activait :
installer la table, fixer les toiles pour l’ombre, mettre la plancha en route.
T était assis et regardait tout cela se faire. Il a été le premier installé à
table et n’en a plus bougé jusqu’à la fin du repas.
Mon agacement s’est ancré à ce moment-là.
T n’a jamais participé aux tâches ménagères. A s’activait pour
compenser l’oisiveté totale de son mari. Elle avait pour lui des gestes
quelquefois étonnants, pleins d’amour, ou de recherche de pardon, au choix, je
n’ai pas su décrypter la bonne raison.
Lors du repas organisé par le comité des fêtes du villages, T
m’a embarrassée par sa façon de rester collé à la table de l’apéritif, à se servir
le plus possible. Puis à table, où il s’est comporté comme un enfant. Où Agnès
se levait pour aller remplir son assiette. Dans un premier temps il voulait
subtiliser la grosse salière neuve qui était devant lui. Cela semblait
obsessionnel tant il en a parlé à chacun de nous. Puis il a voulu subtiliser le
pain. Il l’a fait, et je lui ai demandé de le sortir du sac où il l’avait
enfoui. J’ai demandé à un membre du comité des fêtes si on pouvait leur acheter
ce pain, qui était, il est vrai, délicieux. Il nous a répondu que le soir ils
finissaient les restes et auraient sans doute besoin de pain.
J’ai dit clairement à T que j’étais connue dans le village et
que je ne voulais pas avoir honte des gens qui étaient avec mois.
Finalement T a eu le feu vert pour prendre ce fameux pain. Et
ce pain, nous ne l’avons pas partagé à la maison, il l’a gardé pour lui…
J’ai pris conscience de son problème vraiment aigu avec la
nourriture, j’en étais décontenancée.
Une chaise n’a pas résisté sous son poids d’ailleurs…
Le jour du triathlon est venu. Nous avons attendu le passage de
G en vélo dans le village, puis nous sommes allés rejoindre M qui soutenait son
compagnon depuis le petit matin sur place.
T n’a jamais proposé que l’on prenne leur véhicule, celui-ci
n’a pas bougé de tout le séjour.
Nous avons vu passer G en courant aux Angles et avons attendu
son arrivée.
Avec M, nous avons décidé de continuer à soutenir ceux qui
arrivaient après. Pour nous sustenter, nous avons acheté des paninis. Pour nous
tous, sauf pour T apparemment, ils faisaient office de repas.
Puis nous sommes rentrés, G s’est remis un peu, et nous avec,
autour d’un goûter. Il m’apparait maintenant évident que T pensait que l’on
allait faire un vrai repas, le panini étant un amuse-gueule.
Nous avons refait une balade dans le village, dans la bonne
humeur. Sauf lui qui trainait la jambe. Son poids est un poids. Mais il aurait
été libre de rester à la maison, il ne l’a pas fait.
Le soir, dernier repas en commun, avec les cousins, avec Adam.
Pour moi un excellent moment, pour nous tous d’ailleurs. Sauf pour T. T qui
engouffre les rondelles de saucisson au fur et à mesure que mon amoureux les
découpe. T qui fait signe à mon amoureux qu’il voudrait une bière parce que le
frigo semble trop loin pour lui. T qui ne supporte pas qu’Adam s’exprime fort,
comme un enfant de son âge, alors qu’il dessine sur les genoux de M.
Le lendemain matin, A & T repartent, et T semble tout
léger de repartir.
M & G restent 2 jours de plus, et nous restons tous les 4
pleins d’interrogations.
Nous passons 2 belles journées à 4. Je suis heureuse du
plaisir que M & G trouvent dans cet endroit qui m’est si cher.
Depuis, plus aucune nouvelle de A & T.
Mon amoureux lui propose par texto, à notre retour, un
déjeuner à deux : « il n’est pas disponible ».
La cafetière cassée et la chaise cassée ne seront jamais
remplacées. Ce n’est pas pour la valeur qu’elles représentent, mais dans
pareille situation je me ferais un devoir de remplacer ce que j’ai cassé. Et je
suis d’autant plus étonnée que j’ai toujours trouvé qu’A avait beaucoup de
savoir vivre.
Avec M & G, nous profitons des belles soirées d’été
ensemble.
Mon amoureux et moi ne faisons plus partie de leurs amis FB.
J’ai demandé une explication par Messenger qui reste sans réponse.
J’en ai parlé à un ami commun, à qui T s’est
« plaint », de quoi, mystère… Cet ami m’a dit : tu sais, c’est
un gros bébé.
J’ai compris qu’il s’était installé dans un statut
d’handicapé. Handicapé par un poids dont il parle toujours, dont il parle trop,
et contre lequel il ne fait rien.
Avec le recul, il ne me manque pas. Et je dirais même que je
ne veux plus le voir tellement son attitude me parait de plus en plus déplacée.
Mais A ? Comment, pourquoi cautionne-t ’elle ses
agissements ?
Je la considérais comme une amie, mon estime pour elle a pris
du plomb dans l’aile. Comment peut-elle accepter comme cela de rayer des années
d’amitié ? Mais quelque part je la plains. Amour ou esclavage ?
Je sais qu’ils ont cherché à raccrocher les wagons avec M
& G. Les méchants se sont vraiment nous…
Mais le courage de dire ce qui ne va pas, ce qui n’allait pas,
il est où ?
Dur de se rendre compte que l’on ne connaissait pas vraiment
des personnes que l’on croyait connaître. Et cela laisse tout imaginer :
jaloux des balades en vélo que mon amoureux et G faisaient, jaloux d’Adam qui
attirait l’attention de tous ?
Depuis, nous sommes retournés dans mon repaire catalan avec M
& G, nous y avons passé une belle semaine, agrémentée d’une escapade
andorrane. Avec eux tout est clair, tout se dit.
Merci à mes amis qui sont toujours là, qui ne changent pas,
qui disent les choses. Nous sommes là les uns pour les autres, dans les bons
comme dans les mauvais moments. Ils se reconnaîtront. Ils apportent des rayons
de soleil à ma vie. Je ne vais pas les citer là, mais je les aime.
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