21 nov. 2021

J'ai (re)vu Renaud

 

Il y avait bien longtemps que nous n’étions pas allés à l’Isle sur la Sorgue.

Je savais que Renaud enregistrait un disque de reprises, et qu’il n’était donc certainement pas dans le Sud. Puis j’ai vu une photo très récente de lui dans le cadre que je connais bien.

Cette fois, j’ai préparé une lettre, quitte à la laisser au patron de son point d’attache, plutôt que de lui griffonner quelques mots au dernier moment :

 

« Bonjour Renaud Séchan,

 

        Comme chaque fois que nous venons déjeuner au Bouchon et que j’ai la chance de vous y voir, j’en suis heureuse.

        Je vous laisse souvent un petit mot, cette fois j’ai préparé ce courrier en espérant pouvoir vous le remettre, et sinon le sympathique patron du Bouchon vous le remettra.

        Quand je vous voyais en concert (une bonne trentaine de fois depuis vos premiers concerts jusqu’au Phénix Tour), je ne pensais pas pouvoir un jour vous voir régulièrement, à l’Isle sur la Sorgue. J’étais une fan bien ordinaire, vous me faisiez rêver par vos textes, vos quelques paroles entre les chansons, par la ferveur qui se dégageait de cet ensemble de personnes avec qui j’avais un point commun : vous.

        Vos « merci, infiniment merci » sont gravés dans mon esprit. Car l’amour de votre public n’était pas feint, vous étiez touché, et c’était touchant.

        Depuis quelques années je viens, accompagnée de mon compagnon qui comprend ce que je peux ressentir et m’accompagne volontiers. Je n’habite pas très loin, dans un département voisin. Et quand vous êtes là c’est à chaque fois une émotion différente. Je ne cache pas que je suis ravie quand il n’y a pas d’alcool sur votre table, mais je ne vous ai jamais jugé. De quel droit le ferais-je ?

        Etant aussi une écorchée vive, je comprends les faiblesses. Je comprends que vous avez vécu des instants, des moments qui vous ont marqué et ont pu vous amener à ces faiblesses.

        J’ai beaucoup lu sur vous, en essayant de faire le tri entre le vrai et le sensationnel. J’ai vu votre expo à Paris et elle m’a profondément touchée. J’y ai appris encore de nouvelles choses, de nouveaux évènements de votre vie.

        Vos chansons ont accompagné ma vie, je les connais quasiment toutes par cœur. Certaines me bouleversent. Votre style me ravit. Elles se rattachent toutes à certaines périodes de ma vie.

        Et c’est pour ce bonheur que vous m’avez apporté à travers elles, à travers vos concerts, que je vous remercie, moi aussi infiniment, du fond du cœur.

        Je lisais avec délectation vos billets dans Charlie, je crois que nous partageons à peu près les mêmes idées, mais vous saviez tellement bien les exprimer. J’ai beaucoup pensé à vous lors de ce jour noir qui a touché le journal.

        Voilà, vous avez beaucoup compté dans ma vie, et j’espère que vous compterez encore.

        Je vous souhaite de trouver la sérénité, d’avoir des moments de bonheur, de ceux qui font que la vie est malgré tout toujours belle.

        Je ne vous cache pas que mon rêve fou serait de pouvoir un jour partager un déjeuner avec vous, parler avec vous. Je suis une grande utopiste, une idéaliste…

        Passez une bonne journée, passez encore plein de beaux moments. Nous sommes tellement nombreux à tenir à vous.

        Je me permets de vous dire que je vous embrasse, par le cœur, « dans le respect des gestes barrières ».

        Et, qui sait, peut-être à bientôt.

 

        Guylaine »

 

Nous sommes passés devant le Bouchon vers 11h30, il était déjà là. Mon amoureux a réservé la bonne table pour midi, et pendant ce temps je lui ai remis ma missive.

Il m’a remerciée, l’a tout de suite ouverte et déplié les feuilles. Ses mains tremblent un peu.

Nous avons fait un petit tour dans cette jolie ville puis nous sommes revenus pour midi pile.

Renaud était passé à la table à côté, seul. Mais ses comparses étaient tout près. Il était quasiment face à moi. Le soleil nous chauffait généreusement.

A un moment donné, nos regards se sont croisés, je lui ai souri, il m’a souri timidement. Sa timidité est touchante, et étonnante pour quelqu’un qui a eu souvent des milliers de personnes en face de lui.

Puis un homme de style jeune cadre dynamique est arrivé. Il a « checké » Renaud, puis les personnes de la table d’à côté, dont celui qui est avec Renaud une semaine sur deux et à qui je trouve vraiment une bonne tête. Il s’est installé avec eux.

Renaud les a rejoints, quittant les rayons du soleil pour l’ombre. Il a enfilé son blouson. Je ne le voyais plus que de dos, ses cheveux bien coupés et soignés. J’ai détesté cet homme qui le faisait changer de place !

La discussion est devenue sérieuse, cet homme venait parler affaires. Il était question de lieux de concerts. Renaud parlait rarement mais était bien dans la conversation. Il se trame quelque chose…

Comment était Renaud : à peu près comme la dernière fois que je l’avais vu, où il m’avait si chaleureusement remercié de mes quelques mots griffonnés. Pas d’alcool. Des cigarettes oui, beaucoup.

Je repars toujours avec des pensées contrastées. Heureuse de l’avoir vu, heureuse qu’il n’aille pas plus mal, malheureuse de ne pas avoir vu ce mieux que j’espère tant.

Je n’arrive toujours pas à réaliser que cet homme que j’ai vu tant de fois sur scène, au milieu de tant de personnes emplies de la même ferveur que la mienne, je le vois maintenant régulièrement.

Que tant de personnes passent à proximité sans se douter qu’ils passent à côté d’un grand. Ils ne le reconnaissent pas. Il y a les habitués qui le saluent en l’appelant Renaud, quelques voitures qui ralentissent pour voir s’il est là, et puis ceux qui déjeunent à la même terrasse sans s’en rendre compte.

Si l’on m’avait dit cela du temps où il remplissait des Zénith et où j’étais portée par la joie de le voir chanter devant moi, je n’y aurais pas cru.

La vie est bizarre.

Je retournerai voir Renaud !

 

 

 

 

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