J’aime regarder, écouter autour de moi.
La comédie humaine me réjouit, me révolte, mais elle est
toujours sociologiquement intéressante.
J’apprécie les terrasses des bistrots, les espaces partagés,
pour cela aussi.
Et être spectatrice quelquefois de tranches de vie qui
permettent de laisser divaguer l’imagination, d’élaborer des scénarii divers.
C’était le cas vendredi dernier.
En route pour Carcassonne, ville étape, car on a passé l’âge
de rouler toute la journée pour atteindre notre destination, on n’est plus
pressé.
Et donc, à l’heure du déjeuner, nous sommes dans la ville de
Molière, Pézenas. Je connais cette place avec un choix de restaurants, on se
gare, on fait le tour des cartes affichées et on jette notre dévolu sur « le
14 », le menu a l’air sympa et à prix correct.
Installés, les mains passées au gel hydroalcoolique, toc
moderne, je regarde les tables autour de nous.
A gauche, des hommes seuls, là pour le boulot sans doute.
A droite, une dame dans la soixantaine, seule, apprêtée, elle
s’est faite belle pour aller au restaurant. Peut-être un peu trop maquillée. Elle
a l’air enjoué, elle remue doucement la tête au rythme de la musique en fond
sonore.
Et tout près de nous, de profil par rapport à cette dame, un homme
seul, la bonne cinquantaine. Le front dégarni et les cheveux en une longue
queue de cheval. Un shampooing s’imposerait. Deux téléphones sont posés devant
lui, sans doute un professionnel et un personnel.
La dame l’a remarqué, elle le regarde, cherche à attirer son
attention.
Lui n’a pas l’air de s’en rendre compte.
Ils sont servis l’un après l’autre. Et, je ne sais pas à quel
sujet, elle fait une remarque et il acquiesce avec un léger sourire.
La conversation s’engage très lentement, c’est elle qui parle
toujours en premier. Le temps, bien sûr, sujet de conversation inépuisable.
Le restaurant qui n’est pas mauvais, ils sont sympathiques et
les prix sont corrects, elle y vient assez régulièrement.
« J’habite juste un peu plus loin, je viens à pied, et
vous, vous habitez dans le coin ? »
« Non, moi je vis à 500 kilomètres d’ici »
Une déception sur le visage de la dame.
Un des téléphones du monsieur sonne, il répond assez brièvement.
« Vous devez être important dans votre travail, on vous
appelle même à midi »
« Non, ce n’était pas le travail, c’était un ami. On doit
se voir demain pour bricoler une moto ».
La conversation devient plus soutenue.
Il propose : « je pourrais peut-être me rapprocher ? ».
Elle ne répond pas, il répète. Je ne suis pas sûre qu’elle ait bien compris,
elle n’opine pas, et lui dit : « c’est comme vous voulez ». Ils
ne bougent donc pas.
Ils parlent de Covid, de vaccin, elle dit qu’elle se protège. Est-ce
la raison qui lui fait garder de la distance ?
Ils en sont au dessert, échangent toujours, elle a envie d’en
savoir plus sur ce qu’il fait.
Il cherche à interpeller le serveur pour un café, et il lui
demande si elle en prend un. « Non, je ne bois pas de café. Quelquefois je
viens prendre une noisette dans la journée ».
Je ne comprends plus bien la situation. Elle a cherché à
attirer son attention, maintenant c’est plus souvent lui qui la regarde, lui
parle.
Il finit par se lever pour aller régler au comptoir.
Il se dirige vers la sortie, la regarde, elle ne le regarde
plus.
Il est parti.
J’imagine mon scénario : elle a envie d’une relation
sérieuse, lui voyage et a envie de moments de détente pour égayer sa vie de
travailleur voyageur ?
C’aurait pu être une histoire, ça n’a été qu’un échange. Sont-ils
passés à côté de quelque chose.
Ils ne se reverront sans doute jamais. Je crois qu’ils n’ont
même pas échangés leurs prénoms.
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