Lundi nous repartons dans mon coin perdu des Pyrénées
catalanes.
Dans l’entrée commencent à s’accumuler des choses qui vont
aller dans « la maison de là-haut », maison que l’on s’approprie tout
doucement.
C’était un hangar, un « badiou » en catalan, où mes
grands-parents rangeaient les charrettes. Trois bons murs de pierres bien
solides et un toit.
Il n’y a jamais eu de véhicule à moteur chez mes
grands-parents. C’était une petite exploitation de montagne, où ma grand-mère
faisait à peu près tout, avec l’aide de ses fils au fur et à mesure qu’ils
grandissaient.
Mon grand-père travaillait aux « ponts et chaussées »,
il rejoignait tous les jours de la semaine le village voisin à quelques
kilomètres. A pied.
Mes grands-parents n’avaient pas grand-chose, mais ils
vivaient correctement, avec leurs cinq enfants dont papa.
Mon grand-père, « pépé », est parti tôt, en 1967, à
70 ans.
Ma grand-mère, « mémé » ou maintenant « la
Margot » quand je l’évoque, a tenu à ce que le partage entre les cinq
enfants se fasse rapidement. Que la maison familiale, les « paillés »
(grange), le badiou et la petite maison attenante qui était louée soient
divisés, afin que chacun de ses enfants puisse commencer à investir les lieux,
à les adapter à leur façon.
Un calcul savant a été fait pour établir 5 parts, avec des
compensations financières pour équilibrer ces parts plus ou moins habitables en
l’état.
Papa, employé de banque, le plus versé dans les chiffres et
les calculs, a établi ces 5 parts et les a soumises à ses frères et sa sœur.
Cinq petits papiers ont été pliés, avec sur chacun un lot de l’ensemble.
Je revois ces papiers, mis dans la casquette de pépé.
Ghislaine, la plus jeune des cousines présentes, a procédé au
tirage au sort.
Je revois cette scène comme si c’était hier.
Papa a eu le badiou.
Ce badiou est devenu une maison, et j’ai du mal à réaliser qu’aujourd’hui
c’est ma maison, notre maison, à Joan, Philippe et moi.
Mémé vivait déjà une partie de l’année chez Josette, sa fille,
la petite dernière, à Toulouse. Elle a donc vécu le reste de ses étés à Ayguatebia,
dans la partie que sa fille a aménagée.
Papa et maman ont réfléchi à ce qu’ils allaient faire de leur
lot.
Pour moi le meilleur lot, car il n’y avait que 3 murs et un
toit, tout était à inventer dedans.
Papa a beaucoup travaillé à dessiner cette future maison. Je
crois que cela lui plaisait beaucoup. Je revois ses dessins où même les
meubles, encore inexistants, étaient placés. Où même les couverts étaient
dessinés sur la table. Papa était minutieux.
Une entreprise a entrepris les travaux. Le mur de façade a été
bâti, l’intérieur a pris forme.
J’ai participé avec mes parents aux finitions : la
peinture protectrice sur le lambris, sur les volets. La peinture des rambardes.
La maison a été habitable, douillette, confortable.
De mon côté je n’y allais pas trop. Avec le père de Joan nous
préférions partir découvrir des coins de France ou d’ailleurs. Le Canada en
1981…
Papa et maman y allaient souvent, surtout à partir de leur
retraite, en 1991. Ils y emmenaient Joan qui aimait passer des vacances avec
ses grands-parents. Et j’étais heureuse qu’il profite de ce bon air des montagnes.
Après la naissance de Joan, nous y allions environ une année
sur deux, l’autre année étant plutôt consacrée à la découverte.
« Notre » maison était la plus isolée, la seule qui
ne donnait que sur la cour herbue commune, Les 4 autres avaient toutes une sortie
sur cette cour et une autre sur une rue du village, 2 étages plus bas.
Cette tranquillité totale me convenait.
Après le décès du père de Joan, c’est là-haut que j’ai trouvé
du réconfort pendant mes vacances.
J’y suis allée quelquefois avec Joan, puis il a grandi, et
presque adulte, n’avait plus trop envie de se trouver dans « un coin perdu ».
Nous avons donc passé nos dernières vacances, pour ses 18 ans,
à Amsterdam.
Je suis allée plusieurs fois seule à Ayguatebia.
Seule je ne l’étais pas vraiment. Dans les autres « lots »
il y avait tonton Albert, le frère ainé de papa, qui, veuf, est venu y vivre à
l’année, et y est décédé à presque 90 ans.
Il y avait tata Paulette, une figure dans le village. Elle y
passait l’été, le reste de l’année elle avait sa maison dans la plaine près de
Perpignan. Tata Paulette avait vue sur la rue et adorait ça. Sa voix résonnait
dans le village, tout le monde la connaissait. J’avais beaucoup d’affection
pour elle.
Ma cousine Christine, la petite dernière des cousines, née bien
après Ghislaine, était là souvent. Nous nous entendions bien malgré nos 12 ans
d’écart.
Mon amie Dominique est venue me rejoindre plusieurs fois dans
cet endroit qu’elle a beaucoup aimé.
D’autres amis aussi sont venus, plus ou moins longtemps.
Papa et maman n’y allaient que rarement l’été, il y avait trop
de monde pour eux ! Nous n’avons jamais cohabité, et c’est mieux je crois.
Papa est décédé en 2009.
Le notaire m’a appris, à ma grande surprise, que, par héritage
direct, cette maison était maintenant la mienne.
Pour la première fois de ma vie j’avais une maison à moi, rien
qu’à moi, et à Ayguatebia !
Pendant quelques années nous y passions quelques jours l’été
avec maman. La cohabitation n’était pas facile. Maman aimait bien que la
journée soit rythmée dès le matin, nous préférions nous laisser porter, ne
penser aux repas qu’un moment avant l’heure.
Petit à petit la génération de maman a diminué, elle n’avait
plus grand monde à aller voir dans le village. La santé de tata Paulette ne lui
permettait plus de venir.
Et maman a décliné…
Maintenant nous y allons tous les deux depuis quelques années.
Quelquefois des amis nous rejoignent pour quelques jours.
Cette maison, on se l’approprie peu à peu.
On apprend à s’en occuper, cette année la toiture a été revue,
les volets seront changés d’ici la fin de l’année. Ils vieillissaient mal, le
froid mord en hiver et la chaleur cogne en été.
Je n’ose pas encore trop toucher à la déco où l’on sent la
patte de maman. J’ai des scrupules tant qu’elle est de ce monde. Mais par
petites touches nous modifions.
Je me sens bien dans cette maison, j’aime la vue sur le Canigou
d’un côté, avec la lumière qui change au long de la journée et la vue sur le
village de notre petite terrasse.
En face, de l’autre côté de la petite cour, il y a des maisons
fermées. Chez tata Paulette, son petit-fils vient quelquefois, nous n’avons pas
souvent la chance de nous croiser.
Chez Josette plus personne ne vient, Christine ne semble plus
avoir envie d’Ayguatebia depuis qu’elle ne peut plus y venir avec son grand
fils.
Chez tonton Albert, Maryse, la plus âgée des cousines, venait
régulièrement jusqu’à cette année où la maladie l’en empêche.
Mais le lot qui est resté inoccupé longtemps a pris vie.
Ma cousine Ghislaine, Patrick, qui sont plus des amis que des
cousins, passent une bonne partie de leur été là. Souvent avec leurs petits-enfants.
Dans la journée nous menons notre vie chacun de notre côté,
même si l’on se croise régulièrement dans la cour et que l’on peut y partager
un café. Et le soir nous nous retrouvons pour l’apéritif/repas.
C’est tellement plus agréable d’être ensemble, et de manger ce
qu’il y a, en fonction des courses que les uns ou les autres ont faites.
C’est ce que nous allons retrouver lundi, après une première
quinzaine en juillet.
Dans la journée le soleil peut bruler, mais le soir une petite
laine s’impose, et l’on dort avec une couverture. Le luxe !
Les journées s’écoulent, soit en farniente, soit en balades, à
pied, en voiture vers tous les coins sympas environnants.
Pas de contrainte, une vie rythmée par le temps, plus ou moins
chaud ou frais, sec ou pluvieux.
Cette maison, dans ce village, toute simple, avec juste le
confort nécessaire, c’est mon havre de tranquillité.
Le village change.
Je l’ai connu enfant, nous nous retrouvions pour jouer
ensemble. J’étais toujours pressée de quitter la table après les repas.
Adolescente, les mêmes avaient grandi, ou d’autres étaient là.
Il y avait des jeux de séduction.
Le village était encore habité à l’année par des gens
vieillissants.
Petit à petit les descendants ont retapé les maisons des
ascendants.
La fête a été remise au goût du jour il y a une trentaine d’année,
le premier week-end d’août. Et c’est un évènement dans le village.
Aujourd’hui des personnes venues d’ailleurs sont venues s’installer
à l’année. Des jeunes, des moins jeunes.
Il y a beaucoup de personnes que je ne connais ou reconnais
pas.
Mais quand on fait le tour du village, il y a toujours quelqu’un
avec qui discuter.
A ce jour il n’y a plus aucune maison à vendre dans ce village
des Garrotxes, mon village.
Mes racines sont là-bas. J’y suis bien.
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