Mon mandat de conseillère prud’homale se termine, en douceur
puisque je ne tiens plus d’audiences pour pouvoir quitter le Conseil l’esprit
tranquille, sans affaires non jugées.
Depuis la rentrée de septembre, le temps consacré aux
Prud’hommes a donc fortement diminué jusqu’à devenir inexistant.
Ce fut une superbe expérience qui aura duré 14 ans !
Cette expérience m’a terriblement enrichie, moi qui n’avais
que survolé le droit lorsque je passais mon brevet de banque, il y a fort
longtemps.
Et là c’était le droit social. Social, quel joli mot.
Partie donc de quasiment zéro connaissance, j’ai eu à cœur de
me former très vite afin d’être rapidement efficace pour la défense des
salariés.
Et donc cette activité a pris le pas sur mes autres activités.
Sur mes activités professionnelles avant d’être retraitée, puisque je me
rendais disponible le plus possible pour siéger en audience, délibérer,
rédiger.
La pratique a beaucoup aidé et enrichi les connaissances
théoriques.
Cela m’a aidé aussi dans l’exercice de mes mandats syndicaux
au sein de mon entreprise.
Puis, à la retraite, j’ai été encore plus disponible. Et plus
sollicitée encore par ceux qui avaient des difficultés à se libérer pour
siéger.
Pendant mes 5 ans d’activité prud’homale en tant que
retraitée, j’ai eu l’impression de continuer à travailler un bon mi-temps.
Qu’est-ce que j’ai aimé ça !
Il n’y a pas eu que des moments plaisants, loin de là. Les
conseiller.e.s sont des êtres humains avec leurs caractères, tous différents. J’ai
du caractère aussi. Les échanges n’ont pas toujours été cordiaux entre
conseillers du collège salariés…
Avec les conseillers du collège employeurs, il y avait
d’énormes variations entre ceux qui appliquaient le droit, même s’il n’allait
pas dans le sens de l’employeur et ceux qui faisaient preuve de mauvaise foi
pour défendre à tout prix ce qui était quelquefois indéfendable.
C’était le jeu. Il m’est arrivé de défendre avec difficulté
des salariés qui n’étaient pas forcément défendables.
Je crois en toute conscience avoir été juste, en tous cas j’ai
tout fait pour l’être.
Et puis la fin de mandat s’est profilée, et avec elle un
dégagement progressif mais certain.
A ce jour je ne lis plus les nouvelles jurisprudences, je ne
suis plus à l’affut des lois qui changent le monde du travail.
Cela ne m’empêchera pas de descendre me faire entendre dans la
rue si le gouvernement s’avise à essayer de raboter encore le Code du Travail. Quand
on est militant, on le reste.
J’ai rencontré des gens bien, d’autres moins. Des greffier.e.s
à l’aide précieuse.
Lors du deuxième mandant, j’ai eu la chance de connaître Christophe,
le précieux Christophe, à la fois camarade et ami. Et que j’espère revoir
souvent.
Et donc, moi qui fuis l’ennui, qui veux à tout prix garder une
vie sociale avec des personnes avec qui j’ai des points communs, la question a
été : qu’est-ce que je vais faire maintenant ?
Bien sûr, mon amoureux est là, et nous gardons toujours du
temps pour nous.
Mais nous avons des envies différentes d’activités. J’ai
besoin d’activités de groupe, lui moins.
J’ai donc déposé ma candidature de bénévole sur deux
sites : le Secours Populaire et les Restos du Cœur.
Les deux causes qui me paraissent les plus importantes :
aider l’humain en détresse.
Ce sont les Restos qui m’ont appelée les premiers.
Et l’aventure était lancée.
Dans mon idée, comme dans celle de la plupart des gens, les
Restos c’était essentiellement de la distribution de nourriture, et donc
j’étais prête à me rapprocher du centre qui avait des besoins.
Mais ce que l’on m’a proposé était un peu différent :
faire partie de l’équipe de coordination départementale.
Le courant est tout de suite passé avec la personne que j’ai
eue au téléphone. Le projet m’a plu.
Il n’y a pas de hasard : il s’est avéré que cette
personne avait vécu longtemps à Montréal et que son compagnon avait été
président d’Amnesty International francophone au Québec.
J’ai été conviée à une première réunion où nous étions 7 à qui
l’on avait proposé la même mission.
Une des 7 personnes ne s’est pas retrouvée dans les demandes
formulées par les Restos, les 6 autres, dont moi, ont donné un premier accord
de principe.
J’étais déjà emballée, de toutes façons je ne sais pas être
tiède. Ceux qui me connaissent le savent bien…
Depuis, beaucoup d’échanges, des présentations, des formations.
Je découvre un nouvel univers. Je découvre ce que l’idée de Coluche
en 1985 est devenue : une belle association ouverte à l’humain.
La distribution de nourriture reste la principale activité, mais
il y en a tant d’autres autour pour aider les démunis : l’accueil de jour,
les maraudes, les centres d’aide et d’insertion, etc…
Que de belles choses portées par des personnes qui donnent de
leur temps sans compter, sans juger.
Et puis cette journée « en immersion » au centre de
distribution de Gardanne. Une belle journée, entourée des bénévoles habituels,
pleins de bonne humeur.
Je me suis sentie accueillie dans une famille. Le repas a été
pris en commun et a été pour moi un moment fort.
Le matin récupération de la nourriture, celle venant des
entrepôts des Restos, celle donnée par de généreux commerçants. Tri, rangement.
Inscription des bénéficiaires pour la campagne d’hiver qui
commence la semaine prochaine.
Et distribution l’après-midi. Des personnes de tous horizons,
dignes, inspirant le respect.
J’ai su vraiment, ce jour-là, que ma place était dans cette
association.
Depuis, j’essaie de comprendre les logiciels informatiques
internes… Et j’ai du mal. Mais on s’entraide. Ceux qui ont l’habitude de cela
donnent de leur temps aux paumés comme moi.
Et j’appelle les candidats au bénévolat qui s’inscrivent sur
le site. Des échanges intéressants.
Je suis partie dans une nouvelle aventure.
Je la sens belle cette aventure, et je suis heureuse d’y être
embarquée !
Aujourd’hui, on n’a plus le droit, ni d’avoir faim ni d’avoir
froid.
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