25 nov. 2025

Un soir d'automne

 

Nous étions assis sur le muret qui surplombait la plage.

Il faisait doux, c’était bon de se retrouver là, juste le plaisir d’être ensemble, sans forcément se parler.

Ces moments si rares, sereins, où l’on a l’impression que nous sommes à l’abri du monde et de sa fureur, que nous nous protégeons les uns les autres.

Il ne pouvait rien nous arriver.

Joël avait mis en fond sonore « dimanche soir à Châteauguay » de Beau Dommage, c’était exactement ce qui allait avec le paysage.

Un paysage calme, une mer calme.

Le soleil entamait sa descente vers l’horizon.

Nous savions que d’ici quelques minutes nous allions assister à son coucher, que nous allions, comme les autres fois nous extasier en silence, en prendre plein les yeux, nous emplir de ses couleurs, toujours différentes.

Sans rien dire, Philippe préparait son appareil photo. Il collectionnait les photos de couchers de soleil.

Ses murs étaient tapissés de ses photos, et, sans qu’il n’y ait aucune légende, il pouvait nous dire où et quand chacune avait été prise.

Ce soir-là, un jaune trop calme pour être innocent vibrait au-dessus de l’horizon.

Toujours sans un mot, nous nous sommes regardés avec un air interrogatif dans les yeux.

Nous avons repris notre contemplation. Cet effet de vibration s’accentuait.

Impossible de savoir si nos yeux nous jouaient des tours ou si cette vibration était réelle.

Peu à peu la vibration s’est accompagnée de stries grises qui griffaient le jaune, qui ondulaient dans une irrégularité de mouvement surprenante.

Le soleil allait-il être englouti ?

Nous nous sommes regardés à nouveau dans un mouvement commun.

La sérénité me quittait pour laisser la place à une sensation indéfinie.

Seule, je me serais levée sans bruit et me serais éloignée de la mer. Je serais sans doute allée boire un chocolat dans le bar, de l’autre côté de la route, en me collant à la vitre, qui me protégerait.

Mais là j’étais entourée, nous faisions bloc face à ce paysage changeant de minute en minute, et sans doute encore plus vite.

Le soleil était passé au-dessous de cet étrange mélange changeant de gris et de jaune.

Autour de lui des masses se formaient. Des masses oblongues, comme un œuf éclaté qui aurait accouché du soleil.

Un filet évanescent semblait s’agripper à ces masses, laissant passer un jaune étrange, indéfinissable.

Un homme surgit de l’eau et courut vers la plage. Il trainait un bateau en forme de coquille de noix.

Nous nous serrions doucement les uns contre les autres, personne n’aurait eu l’idée de parler.

La sidération peut-être.

Après un dernier coup d’œil sur cette vision étrange, nous nous sommes levés tous ensemble, dans un même mouvement.

Toujours sans nous concerter, nous avons traversé la route et nous sommes rentrés dans le bar.

Nos premières paroles ont été de commander des chocolats chauds.

A travers la vitre, la mer calme, sereine, avec encore quelques lueurs de jour doré.

Philippe nous a montré l’écran de son appareil photos.

Que des images de coucher de soleil, rien d’autre. Un coucher de soleil magnifique, comme les jours précédents.

Mais un coucher de soleil finalement banal.

Que c’était-il passé ?

Nous ne le saurons jamais, et aucun d’entre nous n’a évoqué le moment que nous avions vécu.

Nous nous sommes remis à parler, à envisager ce que nous allions faire de notre soirée.

Joël nous parle d’une crêperie dont on lui a dit le plus grand bien.

Nous avons discuté de tout et de rien, nous avons rit des blagues de Loïc.

La soirée était belle, comme chaque fois que nous étions réunis.

Nous nous sommes dit « au revoir » « et à très bientôt ».

Rentrée chez moi, la vie a repris son cours.

Un soir nous nous sommes revus, toujours les mêmes. Joël a remis en fond sonore « Dimanche soir à Chateauguay » de Beau Dommage.

Sans un mot, nous nous sommes pris dans les bras les uns et les autres.

Un moment suspendu, à jamais gravé dans nos têtes.

 

 

11 nov. 2025

Maman, un jour d'automne. Nouvelle

 

                Bien que la nature ait pris ses couleurs d’automne, il faisait assez beau pour déjeuner dehors.

En face de nous, les montagnes de l’ubac.

Nous savourons le paysage et la température en terminant notre café. Puis nous nous levons pour débarrasser la table.

Les jours raccourcissent et l’on veut profiter de ce soleil doux pour faire une balade.

On entre, on sort, et tout à coup je m’aperçois que je ne vois plus maman.

Les autres convives ne peuvent me renseigner, ils ne l’ont pas vu partir.

J’appelle, mais elle entend mal, il y a peu de chances qu’elle me réponde.

Je fais le tour de la maison, plusieurs fois, en scrutant aussi loin que je le peux. Personne.

Cette silhouette si familière, fragile et alerte à la fois, je ne la vois pas.

Il y a plusieurs chemins qui partent vers la montagne ou vers le hameau, lequel prendre en priorité ?

J’essaie de garder mon calme, elle ne peut pas être bien loin, même si, malgré son âge, son pas est encore alerte.

C’est ici qu’elle a grandi, au milieu des pâturages, des bosquets, des vieilles maisons qui pour certaines ne sont plus que des ruines.

Maman, pourquoi es-tu partie toute seule, sans prévenir ? Tu sais que je m’inquiète de plus en plus pour toi.

 

                Je n’arriverai pas à la retrouver seule, il y a trop de pistes différentes.

Je reviens voir ma tante, qui est occupée à faire la vaisselle et ranger.

Je lui dis que je ne sais pas où est passée maman, que je ne la vois nulle part et que je commence à m’inquiéter.

Ma tante ne s’affole pas. Elle me dit « tu sais bien qu’il faut toujours qu’elle aille marcher de droite et de gauche ».

Elle m’engage à la suivre pour la retrouver. Nous partons toutes les deux.

Christiane prend la route vers Champcontier.

Elle semble mieux connaître les habitudes de maman. Moi je suis si peu souvent là que je ne les connais pas, ces habitudes.

Nous avançons, la route est droite, mais personne à l’horizon. Christiane n’est pas inquiète, moi oui, de plus en plus.

J’imagine la chute, le ravin borde la route.

Je suis attentive à tous les bruits de la nature. Si elle est tombée, elle gémit peut-être.

Christiane bifurque vers un petit chemin sur la gauche. Elle me dit « elle est peut-être venue là ».

Là, c’est la cascade, celle qui est connue dans la région pour sa difficulté à la descendre, celle où les pompiers viennent régulièrement s’entraîner, celle où des groupes aguerris viennent avec leur matériel, cordes et crochets.

 

                Je me souviens qu’elle aimait cet endroit.

Sans doute parce qu’elle y venait souvent accompagner son père, mon grand-père, qui menait ses moutons dans les prés autour. Avant que cet endroit n’attire les touristes.

Je me rends compte que je ne connais plus trop maman, tellement différente de celle qui m’a élevée.

Elle qui avait toujours peur du danger pour moi mais ne voulais jamais que l’on s’inquiète pour elle.

Quand je l’emmenais dans ce hameau de son enfance pour l’y laisser seule quelques jours, elle était la plus heureuse.

Toutes mes recommandations étaient pour elle comme du vent. Elle me disait « mais ne t’inquiète pas pour moi, je suis née ici ».

Ma recommandation principale était de toujours avoir son téléphone avec elle, en vérifiant régulièrement qu’il soit chargé.

Et malgré cela, combien de fois il sonnait dans le vide. Combien de fois j’ai dû appeler les rares voisins pour qu’ils s’assurent que tout allait bien.

Et quand elle me rappelait enfin, elle me demandait pourquoi je m’inquiétais toujours.

Les rôles avaient changé.

Petite, maman envisageait des dangers que je ne voyais pas, adolescente, elle craignait pour moi les mauvaises rencontres et autres dangers « ne monte jamais sur la mobylette d’un copain », « rentre avant la nuit ».

Maintenant je m’inquiète pour elle, tout le temps.

Je sais qu’elle est têtue et qu’elle va où elle veut, même si je lui demande de ne pas s’éloigner.

Et à chaque moment d’inquiétude, je m’imagine ce que ça serait de ne plus l’avoir.

Je sais qu’elle n’est pas éternelle, que chaque jour la rapproche du moment où, comme elle dit, elle ira rejoindre papa.

Ce moment ne lui fait pas peur. Sans doute qu’être croyante l’aide pour cela.

Et moi je voudrais la garder encore longtemps. Même si je perçois des signes qui ne trompent pas, la fatigue qui est plus vite là, la mémoire quelquefois en pointillés, le pas qui n’est plus aussi assuré.

Maman, je ne suis pas prête à te perdre, il est trop tôt, je veux te retrouver.

 

                Je suis ma tante qui descend vers la cascade. Le chemin est caillouteux, glissant.

Christiane me crie « elle est là » !

Mon soulagement est immense.

Je m’approche, je la vois, Christiane me fait signe « chut ». Maman est assise, adossée à une pierre, les yeux fermés, le visage serein.

Nous n’osons plus bouger, plus parler.

Ma respiration a repris son cours normal. Je suis tellement heureuse de l’avoir retrouvée.

Et en même temps un peu en colère qu’elle soit venue là, seule, sans prévenir.

Elle avait sans doute besoin de cette solitude pour retrouver les traces de son enfance.

Elle ouvre les yeux et nous voit toutes les deux. Elle sourit, presqu’avec malice.

Ma frayeur fait que mes premiers mots sont des reproches « pourquoi tu es partie sans rien dire ? ».

Et en même temps je la prends dans mes bras.

Maman dit, d’une voix candide « mais pourquoi tu as eu peur, tu sais bien qu’ici je ne risque rien, que je connais tous ces endroits ».

Je vais garder pour moi tout ce que j’aurais pu dire, elle est là et c’est le principal.

   

8 juin 2025

Quand le bonheur des autres donne un plaisir fou

 

Jean Noël, mon Filou

 

        En 1994, j’ai connu par hasard un archéologue fouilleur. Le courant est passé très vite entre nous, et il est devenu mon Ami avec un grand A, comme je crois être devenue son Amie.

Je le considère même comme petit frère de cœur, moi qui suis fille unique.

De mes proches, il est certainement celui qui connait le plus de choses sur moi. Et je crois que je connais pas mal de choses sur lui, mais je ne dirai rien !

Je vous dirai juste que nous avons fait une mémorable croisière tous les deux dont nous nous souviendrons toute notre vie, où nous avons parfaitement joué la comédie du parfait amour. Le Napoléon Bonaparte et le Discofolies resteront gravés dans nos mémoires.

        Nous étions tous les deux dans une période sentimentale très, trop, calme, au début des années 2000. C’était mon compagnon de concerts. C’est aussi celui qui m’a oubliée une fois au bord de la route.

Puis, un jour où j’allais le voir à la clinique, un visiteur est arrivé. Un jeune homme charmant, sympathique. Il s’appelait Jean-Noël, et je crois pouvoir dire que je suis la première à avoir fait sa connaissance.

Quelques temps plus tard, un vendredi soir, nous passions la soirée chez une amie commune, avec Filou et deux autres copines. Jean-Noël était annoncé, j’étais la seule à l’avoir déjà vu.

Jean-Noël est arrivé, dans ses petits souliers, sachant qu’il était scruté avec attention. Mon impression première s’est confirmée : c’était quelqu’un de bien !

Les années ont passé, nous nous sommes vus souvent à 4 ou plus, et nous avons apprécié toujours un peu plus JNo.

Et j’ai senti mon Filou de plus en plus heureux, épanoui.

Son bonheur me faisait un bien fou.

Certes, on ne peut pas dire qu’ils se ressemblent tous les deux !

Filou rêve, papillonne. JNo a les pieds sur terre, il organise.

L’intérieur de JNo est un modèle de dépouillement, l’intérieur de Filou est une explosion de couleurs.

L’intérieur de JNo est calme, chez Filou il y a toujours en fond sonore de la musique.

J’admire la patience de JNo quand, en vacances, Filou visite les sites antiques, et aux aurores, parce qu’il faut y être avant les touristes. Sa patience devant la nouvelle marotte de Filou : les vinyles, qu’il traque dans les bourses d’échanges.

Il y a quand même des points qui les rassemblent : la plage, la Corse. Le fameux camping corse où Filou peut se perdre, tandis que JNo prépare minutieusement le repas ou les activités de la journée.

Leur amour longtemps caché est peu à peu devenu connu des proches.

Cet amour, tout ce qui les unit, me touche profondément.

Et d’en voir la concrétisation, par un bout de papier qui a une sacrée importance, me fait un plaisir fou.

Je vous souhaite du bonheur comme s’il en pleuvait !

 

 

9 mai 2025

Vacances Ibériques

 

Voyage Ibérique

 

       Arrivés samedi 26 avril, et pour une fois ce 26 avril a été moins noir. Merci mon amour.

Le quartier de l’hôtel est cosmopolite, délabré par endroits, mais pas désagréable.

Une bonne trotte à pied pour arriver Praço do Commerço.

Beaucoup, beaucoup de monde. Et le Tage au bout.

Lisbonne est moins sinistrée qu’il y a 11 ans.

Resto superbe (prix aussi), et calamar grillé à point.

Un taxi pour le retour à l’hôtel, la remontée on ne la sentait pas.

Aujourd’hui 27 avril, nous avons pu prendre le 28 près de l’hôtel. Mais dans le sens « Pombal », près du terminus, pour pouvoir le prendre dans l’autre sens. C’était sans compter sur la cinquantaine de personnes qui faisaient la queue…

Donc, direction l’Alfama à pied. Un élévador bien caché nous évite une partie de la montée, et nous voilà au kiosque au-dessus de l’Alfama où je venais lire en buvant une orange pressée il y a 20 ans, quand je venais de rencontrer Philippe et que je ne savais pas encore que c’était mon dernier voyage en solitaire.

Arrêt obligé, puis petit resto touristique mais simple à côté.

Descente des escaliers et des ruelles de l’Alfama, qui sait qu’il est devenu un quartier recherché par les touristes. Les boîtes à clés y fleurissent.

On longe une grande rue moche pour aller vers le musée des azulejos. Puis, à un tiers du parcours, un bus passe et nous mène au musée.

Superbe ce musée, on en prend plein les yeux. Des azulejos de tous âges, des modernes, des religieux. Beau travail !

Et le jardin du musée avec une eau à bulles. Fatigués mais contents.

 

Philippe :

Musée des azulejos dans un ancien couvent. Très agréable visite. Beaucoup de touristes alors que nous ne sommes qu’en avril.

Les 26° sont très agréables. Quartier de l’Alfama retrouvé 11 ans plus tard. Le kiosque est toujours là, mais plus de jus d’orange.

Le 28 est toujours aussi blindé de touristes, et le prendre au terminus c’est l’assurance de perdre une heure.

Si on allait au Hard Rock Café ?

 

 

Lundi 28 avril :

Ce matin le 28 pas trop blindé jusqu’à son terminus provisoire : « Camoes ». Une place dont je me souvenais bien, un kiosque, un jus d’orange, un café.

Balade, photos, re-kiosque (un autre), on flâne, on profite des nombreux points de vue.

Puis on cherche un endroit pour manger une bricole, selon notre précepte de voyage économique : un seul vrai repas resto par jour. On trouve : 2 sandwichs, 2 eaux pour 7,20€.

Puis on va demander un café : pas de café. On pense que c’est parce que c’est le coup de feu, c’est plein à craquer et ils servent en priorité la nourriture que l’on choisit au comptoir.

Autres bars : café, non ! 5 fois !

Le téléphone ne veut plus envoyer les WhatsApp.

Un 28 vide, arrêté. Il nous dit qu’il n’est pas en fonctionnement.

Le marché des quais tout vide, tout éteint.

On prend un taxi pour revenir dans le centre vivant, pleins d’interrogations. Et la radio du taxi nous informe d’une panne géante d’électricité.

Praço do Commerço, on s’assoit pour boire un pot. Des français à la table à côté nous en disent plus : panne générale d’électricité en Espagne et au Portugal. Durée indéterminée, forcément. Le serveur nous le confirme.

Un texto pour prévenir Joan et le téléphone passe en mode avion pour préserver la batterie.

Heureusement, les jours sont longs !

 

 

Philippe :

Ce matin nous avons rusé et réussi à monter dans le 28. Et à s’y asseoir !

Arrivés à la place Camoes, un petit jus d’orange en regardant passer les tramways.

Promenade sur les hauteurs et arrêt kiosque à côté du musée de la pharmacie.

L’air est calme, le monde si tranquille en ce lundi 28 avril.

Pour déjeuner, nous avisons un bouclard légèrement surpeuplé, et mangeons pour 7€.

Le café est à 0,80€, mais nous ne l’aurons pas et notre portugais ne nous permet pas de comprendre pourquoi.

Dehors les tramways sont arrêtés un peu partout, avec quelquefois le conducteur qui bouquine tranquillement.

Après une pause sur l’herbe au bord du Tage, le Mercato. Tout noir.

Dans le taxi tout s’explique d’un coup : c’est la Coupure !

 

 

29 avril

Sintra, où nous sommes venus avec notre Nissan Juke de chez Avis.

Hier remontée à l’hôtel à pied. Taxis : niet. Un VTC nous demande 40€, je le traite de voleur.

Foule dans le centre et peu de choses à manger : une planche de tapas à payer en cash.

En fait plus grand-chose de possible quand l’électricité n’est plus…

Lecture à l’hôtel tant que la lumière du jour le permet.

Oui, je l’avoue, j’ai paniqué, imaginé des scenarii pour la suite du voyage.

Dodo à 21h30, merci les aides à dormir.

Vers 22h50 : Fiat Lux ! Heureuse !

La vie a repris son cours. Voiture manuelle, on n’a plus l’habitude. Sintra très belle mais très touristique.

 

1er mai :

Sans manif…

C’est « un peu » férié ici.

Sines, au bord de l’eau, sans doute très animé l’été.

Setubal m’a plu, enfin, juste le centre ancien. Un charme particulier qui semble authentique.

Hier, Evora, classé à l’Unesco.

D’abord un petit resto local, puis on trouve la partie touristique, et donc animée. Boutiques, restos, du charme.

Petite fraîcheur et petite pluie.

Ce matin soleil. Vers l’Algarve.

 

 

Philippe :

Peixena grelha. Resto que nous avons trouvé à Sines, en allant vers l’Algarve.

Setubal : centre ancien petit mais sympa. Dans une ville tentaculaire. Curieux !

La Nissan Juke est très agaçante avec ses alertes de vitesses et de tout. Les 38T me collent si je respecte les vitesses indiquées. Désactiver impérativement les alertes, quelle plaie !

 

 

 

21 avr. 2025

Vacances

 

Comme tous les ans à peu près à la même époque, nous sommes dans les préparatifs du « long voyage » de l’année.

Depuis quelques années ils sont moins lointains car je n’étais pas assez sereine pour partir loin, l’état de santé de maman me faisait toujours craindre l’obligation d’un retour rapide. En fait, l’Europe était notre frontière. Bon, d’accord, le Labrador n’est pas en Europe, mais ce voyage là il fallait l’attraper au vol.

Depuis quelques années, lors des semaines précédant le départ, c’était « l’organisation de mon absence » pour maman.

L’an dernier c’était moins compliqué. Etant en maison de retraite, je savais qu’il y avait toujours du personnel médical autour d’elle, et qu’ils pouvaient prendre en charge les soins d’urgences et leur suivi. Je demandais simplement à une association (Petit fils) de venir voir maman plus souvent que le reste de l’année.

J’ai le souvenir de la mise en place de l’assistance, en faisant appel à des personnes de confiance qui pouvaient prendre des rendez-vous, l’accompagner, bref, pourvoir à tout ce que je faisais le reste du temps. Avec préparation de feuilles de renseignements pour toutes les personnes susceptibles d’intervenir auprès de maman.

Et malgré tout cela, je ne me souviens plus de la dernière fois où je suis partie en toute sérénité. Et pourtant j’avais une mère compréhensive qui acceptait, avant de loger en résidence sénior, de passer un mois en maison de retraite pendant notre absence.

Cette fois, la destination nous l’avons choisie assez proche, maman était encore de ce monde.

Depuis maman est partie. Je pars triste mais sereine.

Bon, pour que ce ne soit pas trop facile quand même, je développe une belle otite à moins d’une semaine du départ. Ça doit être pour compenser… Mais, malgré le jour férié, j’ai trouvé le médecin miracle qui m’a donné de quoi la soigner.

Donc, cette fois, pas d’organisation à mettre en place.

Comme chaque fois, je donne à mon fils le déroulé de nos étapes. Les infos sont quelquefois alarmantes sur ce qu’il peut se passer dans tel ou tel endroit, et je veux lui éviter tout souci inutile.

Et, bien sûr, demander aux amis simianais de venir nourrir nos chats ! Chats qui trouvent que l’on part un peu trop souvent !

Et, sans doute parce que j’ai l’esprit plus léger, je ne réalise pas que la semaine prochaine nous serons en train d’arpenter les quartiers, les ruelles de Lisbonne, de l’admirer en circulant dans le fameux 28, de boire notre café accompagné d’un pasteis. Et puis de prendre notre voiture de location pour aller vers l’Algarve, vers Séville, vers Salamanque, vers Porto, vers Coimbra, en prenant le temps de revoir tout ce que l’on avait entrevu trop rapidement il y a plus de dix ans, en comptant sur une douce température favorisant les balades et les découvertes.

Et je me dis que cette année encore, malgré l’âge qui avance, nous avons cette curiosité de la découverte. Que cette curiosité, et la forme qui va avec, nous l’aurons encore pour de nombreuses années. Il y a tant d’endroits que nous n’avons pas encore vus, tant d’endroits que nous avons vus et où l’on rêve de retourner (Istanbul la belle, tu nous manques).

Et ces voyages, j’ai la chance de les faire avec l’homme que j’aime et qui avance au même rythme que moi. Qui ne fait pas la course aux musées, qui apprécie les moments de flâneries dans des quartiers sympathiques, qui ne fixe pas de timing inflexible, qui est prêt à changer le plan de la journée si on est vraiment bien quelque part.

Sur ce, ma valise, qu’une fois de plus je me promets de faire la plus légère possible, ne va pas se faire seule, et je vais donc la préparer tranquillement.